85 % de nos financements ont un bénéfice climat
Un article de Mihoub Mezouaghi, directeur, Agence Française de Développement (AFD), paru dans le livre blanc « Transition énergétique et climatique : quelles stratégies innovantes et quel financement ? «
Que représente aujourd’hui l’AFD au Maroc ? Le Groupe AFD, qui inclus ses deux filiales Proparco et Expertise France, est l’un des partenaires financiers internationaux du Maroc. Entre 2017 et 2021, le groupe AFD a engagé près de 2,4 milliards d’euros en faveur de politiques publiques et de programmes d’investissement des opérateurs publics et privés. Une particularité est sans doute à souligner, 85% de ces financements ont un co-bénéfice climat. Les outils financiers (prêts concessionnels et de long terme, subventions, prises de participation) sont le plus souvent couplés à des outils non financiers (expertise, conseils, formation et recherche). Les orientations stratégiques du groupe AFD portent sur quatre axes : la promotion de l’investissement privé et de l’entrepreneuriat, la décarbonation de l’économie, l’inclusion socio-économique des jeunes et des femmes et la résilience écologique des territoires.
Quel est le rôle des institutions internationales (dont l’AFD) et des banques dans le financement des objectifs de développement durable et de transition énergétique ?
Aujourd’hui, l’énergie représente 73% des émissions de CO2, 84% de l’énergie primaire est d’origine fossile et près 800 millions de personnes à travers le monde n’ont pas accès à l’électricité. La crise russo-ukrainienne, faisant de l’énergie un bien non abondant et cher, pourrait freiner ou accélérer la transition énergétique selon les choix de politiques publiques. Pour ces raisons, la transition énergétique restera au cœur des enjeux des prochaines décennies. Le rôle des institutions internationales, finalement très proche de celui des banques publiques de développement, est d’apporter de la ressource financière longue et concessionnelle, d’émettre un signal de confiance sur le marché et de mobiliser une expertise technique. L’enjeu est d’exercer un effet de levier sur les financements publics et privés en faveur de la transition vers des modèles de croissance bas carbone.
Quels sont les projets menés dans le cadre de la politique RSO de l’AFD en termes de transition énergétique?
L’approche de l’AFD est de considérer que la transition énergétique est également une transition sociale. En ce sens où elle doit être juste, et permettre au plus grand nombre d’avoir accès à des services énergétiques à moindre coût et à des emplois. La RSO est l’ADN des modes opératoires de l’AFD. Les financements sont systématiquement adossés au respect d’un socle d’exigences sociales et environnementales
Plus particulièrement en matière de transition énergétique, nos financements sont diversifiés et ont porté sur le plan solaire Noor (3 prêts accordés à MASEN totalisant 300 M¤ pour cofinancer 3 centrales solaires : NOOR Ouarzazate I et III et NOOR Midelt I), le Programme d’Electrification Rurale Globale (6 prêts accordés à l’ONEE totalisant 240 M¤), la création de 3 instituts de formation aux métiers de l’énergie et de l’efficacité énergétique (en partenariat avec le ministère de l’inclusion économique et l’Union européenne), des lignes de crédit vertes auprès de banques privées et publiques, la souscription à des obligations vertes de banques locales (Proparco a souscrit 35 MEUR sur la première obligation verte en euro émise par la BCP en 2017). Plus récemment, nous avons conclu un partenariat avec le MTEDD pour modéliser la déclinaison sectorielle de la vision Climat 2050.
Quels sont les principaux défis à relever d’une telle transition ?
Les enjeux de la transition énergétique sont à trois niveaux. D’abord, celui d’aligner l’effort de la communauté internationale pour atténuer les émissions de CO2 et atteindre une neutralité carbone à l’horizon 2050. En ce sens, l’AFD a impulsé un mouvement « Finance en commun », réunissant près de 450 banques publiques de développement à travers le monde autour d’un agenda de financement des ODD. Ensuite, celui de la justice climatique à travers une solidarité internationale avec les pays les plus exposés au changement climatique (qui sont par ailleurs les moins émissifs). Enfin, celui de l’innovation en matière de production d’énergies renouvelables, d’accès décentralisé à une source d’énergie, d’intégration des réseaux électriques, d’efficacité énergétique notamment dans les transports, l’industrie et le logement ou encore de mobilisation des investissements privés