Des déchets au carburant : le biométhane pour décarboner les transports, la solution providentielle ?
Le secteur du transport est extrêmement énergivore et polluant en France. Il y a une nécessité de le décarboner, pour respecter l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 2005. L’électrification et l’hydrogène sont beaucoup mis en avant mais il ne faut pas négliger l’importance du biométhane, qui pourrait, s’il tient ses promesses, fournir 10 % de la demande du secteur du transport en 2030 et 25 % en 2050 ! Ce biocarburant permettrait ainsi de valoriser les déchets, qui deviendraient une source de revenus pour les municipalités et non plus une charge, et contribueraient à faire émerger une économie circulaire locale. Un article de Pierre-Emmanuel Guilhemsans-Vendé, Consultant R&D dans l’équipe Digital et Solutions chez TNP Consultants.
Le transport, un secteur très gourmand en énergie
Depuis 1965, la consommation finale d’énergie dans le secteur du transport en France a été multiplié par 3, passant de 174 TWh à 525 TWh [1] (cf. Figure 1).
Figure 1 – Consommation énergétique finale des différents carburants utilisés dans le transport en France de 1965 à 2021
En 2019, 93 % de cette consommation énergétique est attribuable au transport routier (passagers & fret) et 91 % est due aux énergies fossiles (cf. Figures 1 et 2). Or, 31 % des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) en France sont dues au secteur du transport, correspondant à 136 Mt CO2eq, dont 93 % attribuable au routier (53 % voitures, 25 % poids lourds, 15 % véhicules utilitaires).
Figure 2 – Parts modales du transport dans la consommation énergétique finale en 2019
Il faut tout de même noter un point positif : le nombre de véhicules roulant en France a été multiplié par 4 depuis 1965, ce qui mis au regard de l’augmentation de la consommation énergétique, signifie que l’efficacité énergétique des moteurs thermiques a augmenté d’un tiers en un demi-siècle. Cependant, cela ne suffit pas : en 30 ans, rien n’a permis de baisser les émissions de GES du transport, à part le covid, qui en limitant les déplacements, a fait diminuer les émissions de 10 % par rapport au niveau de 1990. Sinon, en situation de business-as-usual, les émissions du transport stagnent à 10 % au-dessus du niveau de 1990 depuis 2008 [2], en contradiction avec le Protocole de Kyoto et maintenant Fit for 55 (cf. Figure 3). Cette tendance est également à contre-courant de celle pour l’ensemble des secteurs où les émissions ont baissé de 23 % entre 1990 et 2021. Or, Fit for 55 a pour objectif de baisser les émissions de GES de l’Union Européenne de 55 % d’ici 2030 et plus globalement d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Il y a donc une réelle nécessité de décarbonation du secteur du transport, d’autant que l’une des mesures de Fit for 55 serait d’étendre le marché européen de conformité du carbone aux transports maritimes et routiers.
Figure 3 – Evolution des émissions françaises de GES au global et dans le transport
En vue de cette nécessaire décarbonation, plusieurs solutions existent :
- L’électrification, notamment pour les lignes ferroviaires grande vitesse, les trams ou les trolley bus
- Les batteries électriques, pour les voitures et les bus
- Les biocarburants (bioGNV, bioéthanol, biodiesel, huiles hydrogénées) pour les voitures, les bus, les camions de transport de marchandises et les transports maritimes et aériens
- L’hydrogène, principalement vu comme une solution pour le transport lourd et les flottes captives (ferroviaire non électrifié à longue distance, aérien, maritime, fret routier et bus/cars publics), car il est peu compétitif vis-à-vis des batteries sur du transport individuel et/ou à courte distance
Les biocarburants, une solution majeure de décarbonation du transport
Les biocarburants représentent une alternative intéressante de décarbonation du transport à court terme car ils permettent de réutiliser des infrastructures déjà existantes. Ils permettent en outre une baisse importante des émissions de gaz à effet à l’utilisation : par exemple, du biogazole produit avec des huiles de cuisson usagées émet 84 % d’émissions de GES en moins [3].
Cependant, les biocarburants ont mauvaise presse car ils sont associés principalement à une accaparation de terres cultivables au détriment de l’alimentation. Cette affirmation est partiellement vraie si l’on considère les biocarburants de 1ère génération (biodiesel, bioéthanol) qui consomment notamment du colza, du maïs, de la canne à sucre, du blé, du soja, du tournesol ou encore de la betterave, et qui dans le cas du bioéthanol nécessite 3 % des surfaces agricoles françaises [4]. Des nuances sont tout de même à apporter : la production de biodiesel B100 par l’entreprise Oleo100 à partir de graines de colza françaises ne rentre ainsi pas en compétition avec l’alimentation car un tiers de la production nationale suffit à saturer le marché français (le reste pouvant servir à la production de bioéthanol). Le B100 par Oleo100 fait déjà circuler 5 000 camions aujourd’hui, et, à terme, d’après Oleo100, leur biodiesel suffirait à alimenter 10 % des camions en France (~ 50 000 camions). Mais Oleo100 reste une exception car en 2019, le biodiesel importait la totalité de ses matières premières – 60 % provenant tout de même d’Europe – alors que le bioéthanol consommé en France était majoritairement produit localement (83 % des matières premières, d’où les 3 % de surfaces cultivées). Un autre point noir des biocarburants de 1ère génération réside dans leur retour sur investissement énergétique, souvent noté EROI – ratio de l’énergie produite sur l’énergie dépensée (construction des infrastructures, extraction, maintenance, démantèlement) sur l’ensemble du cycle de vie. Pour que l’exploitation d’un gisement d’énergie (pétrole, vent, soleil, biomasse, uranium…) ne soit pas une aberration économique et énergétique, il faut que l’EROI soit supérieur à 1,3, et dans l’idéal, pour des raisons environnementales et aussi pour pouvoir conserver notre niveau de vie actuel, il serait préférable que l’EROI soit supérieur à 3 [5]. Or, les biocarburants de 1ère génération ont souvent des EROI compris entre 0,7 et 1,3 (des exceptions existent avec des EROI de 4 à 7). Sachant qu’un EROI inférieur à 1 signifie que l’énergie nécessaire pour produire le carburant est supérieure à l’énergie qui sera consommé finalement, ces carburants ne sont ni viables ni durables !
Les biocarburants de 2nde génération, constitués à partir de déchets1 (résidus agricoles et forestiers, déchets domestiques) permettent de résoudre un certain nombre des problèmes posés par les biocarburants de 1ère génération. Ainsi, ces types de biocarburants ne sont pas en concurrence avec l’alimentation, valorisent des déchets non-exploités jusque-là, et ont des EROI plus élevés allant de 2 à 11. Pour l’instant, le biométhane est le seul biocarburant de 2nde génération commercialisé.
Figure 4 – Principe de fonctionnement d’un méthaniseur (en anaérobie à 38°C)
Le biométhane, une solution d’avenir
Le gaz naturel d’origine fossile et le biométhane ont quasiment la même composition, ce qui présente l’avantage de pouvoir facilement partager la même infrastructure de réseau et adresser les mêmes usages. En revanche, ils différent par leur mode de production :
- Le gaz naturel est généré à partir de sédimentation de matière organique. Ce processus naturel est long : plusieurs millions d’années et donc non renouvelable à l’échelle humaine. Ainsi, le gaz naturel est une ressource qui n’est pas amenée à relâcher des GES dans l’atmosphère sur un cycle court mais plutôt sur un cycle long.
- Le biométhane est produit à partir d’intrants (résidus de l’agriculture, déchets ménagers, boues de station d’épuration, …). Le processus est réalisé sur un temps court (quelques semaines) et à partir d’intrants eux-mêmes renouvelables : c’est donc une énergie renouvelable (ENR). Par ailleurs, le processus de production du biométhane permet d’éviter l’émission de GES des matières organiques (fumiers, déchets) ainsi que celles liées à la production d’engrais industriels. Ici, il y a une notion de valorisation d’une ressource qui aurait émis des GES sur un cycle court.
Ainsi, le contenu carbone du biométhane est 5 à 10 fois inférieur au gaz naturel – 227 gCO2eq/kWh PCI2 – et comparable aux autres ENR.
L’étude en analyse de cycle de vie réalisée par Quantis – ENEA en 2017 « Evaluation des impacts GES de la production et l’injection du biométhane dans le réseau de gaz naturel » évalue le contenu carbone du biométhane sur la base de la méthode normalisée d’ACV à 23,4 gCO2eq/kWh PCI. Cette valeur, qui intègre les émissions de gaz à effet de serre liées à son cycle de vie, ainsi que les réductions d’émissions de GES apportées par la méthanisation dans les secteurs agricoles et le traitement des déchet, traduit l’impact du biométhane sur le climat.
La Base Carbone ® administrée par l’ADEME retient la valeur de 44,4 gCO2eq/kWh PCI, évaluée selon une autre méthodologie ACV ne prenant pas en compte les impacts évités. Elle est prévue pour une utilisation dans le cadre spécifique de la Base Carbone. Il s’agit d’une valeur moyenne représentative du mix de production français.
Procédés de fabrication du biométhane
Le biométhane peut être obtenu par 3 procédés différents : la méthanisation, la pyrogazéification et la méthanation.
La méthanisation est un processus de fermentation de matières organiques, végétales ou animales (comme des intrants d’origine agricole : fumiers, lisiers, résidus de culture, CIVE3, des intrants issus d’industries agro-alimentaires : graisses, pulpe de betteraves, sous-produits animaux, … ou encore des déchets urbains : déchets ménagers, biodéchets de restauration, boues de station d’épuration, tontes, ISDND4) qui, privées d’oxygène, dégagent du biogaz. Ce biogaz est ensuite épuré afin de donner du biométhane, afin que sa composition se rapproche le plus possible de celle du gaz naturel (au moins 97 % de méthane).
La pyrogazéification ou gazéification, qui inclut également la gazéification hydrothermale, est une solution thermochimique permettant de produire des combustibles solides, liquides ou gazeux à partir de matière organique. Selon les conditions de pression et de température, le procédé peut être orienté vers la production de gaz de synthèse appelé syngas. A partir de ce syngas, on peut obtenir du biométhane par méthanation, procédé de reformation de méthane à partir d’hydrogène et de dioxyde de carbone ou de monoxyde de carbone, à ne pas confondre avec la méthanisation.
Comme exemple, on peut citer la plateforme de R&D GAYA, située à Saint Fons (Région Auvergne Rhône Alpes) et pilotée par ENGIE, dont le démonstrateur utilise le principe de la pyrogazéification et produit du gaz renouvelable injecté dans le réseau de gaz.
Le power-to-gas (PtG) est un procédé de conversion d’électricité en gaz de synthèse. L’électricité doit être d’origine renouvelable pour considérer le gaz produit comme énergie renouvelable. La première étape est constituée par un électrolyseur produisant de l’hydrogène. Une deuxième étape peut être ajoutée pour convertir l’hydrogène en méthane par l’intermédiaire d’une réaction de méthanation.
Le Power-to-gas est une réponse à l’intermittence des productions d’ENR électrique non stockables : le principe est de convertir l’électricité renouvelable en hydrogène qui peut alors être soit converti en méthane de synthèse injectable soit injecté directement dans le réseau de gaz : c’est ce qui est expérimenté, par exemple, sur les projets GRHYD et JUPITER 1000.
Figure 5 – Différentes voies de production de gaz renouvelable [6]
Les coûts de production, pour chacune des filières, en prenant en compte les coûts d’approvisionnement des ressources plus les coûts de transformation, sont les suivants :
- Méthanisation, avec des coûts inférieurs à 80 €/MWh PCS
- Pyrogazéification avec des coûts compris entre 80 et 120 /MWh PCS
- Power-to-gas avec des coûts compris entre 65 et 184 €/MWh PCS, selon les filières.
La filière power-to-CH4 est dans une fourchette de 105 – 184 €/MWh PCS, il est important de noter que ce coût prend également en compte un coût d’approvisionnement en CO2 moyen équivalent à 10€/MWh PCS. Le power-to-H2 permet une baisse de coûts importants à 65 -125 €/MWh PCS
Figure 6 – Ressources potentielles de production de biométhane [6]
Potentiels de production de biométhane en France
Si on combine l’ensemble des potentiels de méthanisation (algues, biodéchets, résidus de l’Industrie Agro-Alimentaire (IAA), déjections d’élevage, herbe, cultures intermédiaires, résidus de culture), de gazéification ou pyrogazéification (bois issu de forêt, connexes scierie/liqueur noire, bois hors forêt, déchets de bois, Combustibles Solides de Récupération (CSR) et H2 fatal) et de power-to-gas, on arrive à une ressource primaire de 616 TWh, dont 152 TWh de méthanisation, 257 TWh de gazéification et 207 TWh de power-to-gas. En prenant en compte les rendements de conversion selon le type de production (94 % pour la méthanisation, 70 % pour la gazéification et 66 % pour le power-to-gas), il y aurait un potentiel de gaz injectable de 460 TWh PCS, avec 143 TWh de méthanisation (~30 %), 180 TWh de gazéification (~40 %) et 136 TWh de power-to-gas (~30 %).
Figure 7 – Potentiels de production de biométhane au global aux niveaux départemental et régional
Ces 460 TWh PCS de production de biométhane ne sont pas répartis de manière homogène. Ainsi, au global, les 4 départements de la région Bretagne sont ceux avec le plus fort potentiel, suivis du Puy de Dôme. La Bretagne concentre à elle seule un potentiel de 40 TWh, soit environ 9 % du potentiel total métropolitain, alors qu’elle ne représente que 5 % de la surface de la France Métropolitaine. Mais si l’on se met à l’échelle régionale, la situation est tout autre : toutes technologies confondues, les deux régions avec les gisements les plus importants sont la Nouvelle Aquitaine et l’Auvergne Rhône Alpes alors qu’elles ne ressortent pas sur la carte départementale.
Dans le cadre d’Appels à Projets, l’échelle administrative (départementale ou régionale) va donc avoir un poids important pour un projet de production de méthane en termes de potentiel de production (essentiellement de la méthanisation pour le moment).
Quoiqu’en il en soit, d’après Emmanuel Uwandu, fondateur de Gas360 et expert du domaine, le développement du biométhane par les régions ou les municipalités apporteront de nombreux bénéfices. Le biométhane sera ainsi une source de revenus (ventes des déchets municipaux aux producteurs de biométhane, taxes), permettra de créer des emplois locaux, aidera à l’atteinte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, contribuera à une meilleure gestion des déchets promouvant une économie circulaire et pourra même garantir, dans certains cas, une certaine indépendance énergétique. Par ailleurs, selon M. Uwandu, la méthanisation ne sera pas en compétition avec le compostage dans la gestion des déchets organiques, qui deviendra obligatoire pour les professionnels, les collectivités locales, les industriels et les particuliers à compter du 31 décembre 2023, en application de la loi anti-gaspillage de 2020 : les deux seront même complémentaires.
Néanmoins, GRDF, GRTgaz et Teréga, professionnels du secteur du gaz, s’accordent à dire qu’une trajectoire de production réaliste de biométhane disponible pour l’injection en 2050 serait plutôt de 320 TWh, dont 130 TWh de méthanisation, 100 TWh en gazéification (50 de pyrogazéification et 50 de gazéification hydrothermale) et 90 TWh de méthanation [7]. Or, l’ADEME, dans ses visions énergétiques 2035-2050 prévoit une baisse globale de 32 % de consommation énergétique dans le secteur du transport d’ici 2030, passant de 495 TWh en 2018 à 337 TWh en 2030 [8]. En parallèle, d’après le rapport de Teréga, Perspectives 2022, le gaz (hydrogène et méthane) fournirait 34 TWh de la demande énergétique du transport en 2030 (soit 10 % de la demande) et 114 TWh en 2050, soit au moins un tiers de la demande. Ainsi, actuellement, si les véhicules hydrogène sont beaucoup évoqués dans l’actualité, en réalité, dans le tiers des véhicules roulant au gaz en 2050, plus des trois-quarts rouleront au biométhane !
Figure 8 – Evolution de la demande énergétique dans le secteur du transport (gauche) et consommation/approvisionnement de méthane et hydrogène en 2020, 2030 et 2050
Pour l’instant, en France, la capacité de production et d’injection de biométhane est de 10,83 TWh répartie entre 607 sites de méthanisation [9], et le nombre de véhicules GNV en circulation est d’environ 32 000 [10]. Le chemin va donc être long avant d’atteindre les 320 TWh de production de biométhane et les 5 à 10 millions de véhicules GNV en 2050. D’autres moyens de production de biométhane sont cependant étudiés et pourraient aider au développement de la filière : il s’agit des biocarburants de 3e génération basée sur la culture de microorganismes tels des algues, levures ou bactéries. Le biométhane a ainsi de belles perspectives de développement, d’autant que si le présent article s’est intéressé principalement au secteur du transport, le biométhane va également permettre de décarboner le chauffage urbain et la production d’électricité dans les centrales à gaz.
Sources
[1] Commissariat général au développement durable, « Bilan énergétique de la France pour 2020 », Service des données et études statistiques (SDES), 27 janvier 2022.
[2] Commissariat général au développement durable, « Émissions de gaz à effet de serre du transport », Chiffres clés transports 2022, mars 2022.
[3] Parlement Européen et Conseil de l’Union Européenne, « Directive (UE) 2018/2001 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ». 21 décembre 2018.
[4] « Biocarburants », Ministères Écologie Énergie Territoires. https://www.ecologie.gouv.fr/biocarburants (consulté le 17 octobre 2022).
[5] C. A.S. Hall, S. Balogh, et D. J.R. Murphy, « What is the Minimum EROI that a Sustainable Society Must Have ? », Energies, 23 janvier 2009.
[6] ADEME, GRDF, et GRTgaz, « Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ? Etude de faisabilité technico-économique ». janvier 2018.
[7] Teréga, GRDF, GRTgaz, et SPEGNN, « Perspectives Gaz : Vers un territoire national neutre en carbone en 2050 avec 100 % de gaz renouvelables et bas-carbone ». 2022.
[8] E-Cube Strategy Consultants, « Marché français des biocarburants ». février 2019.
[9] Open Data Réseaux Énergies (ODRÉ), « Observatoire de la filière biométhane ».
[10] Association Française du Gaz Naturel Véhicules (AFGNV), « Véhicules GNV en circulation en France ».