Allocation de ressources : gouvernail stratégique
Dans un contexte de grandes incertitudes où flexibilité et résilience sont facteurs de succès, pouvoir allouer ses ressources avec agilité est critique pour garantir l’alignement des moyens avec la stratégie, la création de valeur et le pilotage optimal de la performance de l’entreprise.
Alors que les processus d’élaboration des budgets ont commencé pour l’année prochaine, des incertitudes planent sur la capacité des entreprises à se projeter dans le contexte de crise actuel. La pertinence globale du processus de planification budgétaire fait l’objet d’une remise en question. Tandis que les entreprises sont soumises à des impératifs de transformation et d’agilité, ce processus semble immuable voire rigide du fait de sa structure annuelle comprenant une phase de collecte des besoins, une phase de consolidation et d’arbitrage, puis des ajustements ponctuels au cours de l’année de référence. Ce processus budgétaire fait face à quelques critiques :
- Dans un souci de précision, son élaboration prend beaucoup de temps et d’efforts et se heurte aujourd’hui à la nécessité d’adapter la capacité de projection sur des durées plutôt longues à un monde en constante accélération – le time to market moyen pour un nouveau produit a par exemple été réduit à moins de 12 mois depuis l’introduction des pratiques agiles ;
- En alternant les phases de collecte bottom-up puis d’arbitrage top-down, le budget risque in fine de ne plus être aligné avec la vision stratégique, les arbitrages étant le plus souvent faits sous contrainte de coûts, relayant parfois au second plan l’évaluation de la valeur créée ;
- Sa gestion au cours de l’année ne laisse que peu de place à la réactivité, d’autant plus nécessaire dans un contexte de plus en plus compétitif et où les attentes des clients peuvent changer rapidement.
Ces critiques se retrouvent confortées avec le décalage de plus en plus évident entre le métier qui se transforme et le processus budgétaire qui ne suit pas. La question se pose alors de savoir comment faire en sorte de flexibiliser la gestion du budget et éviter en même temps la perte de contrôle, dans un contexte où les entreprises doivent allouer leurs ressources de façon optimale ?
Une première étape consiste à considérer la gestion des ressources dans toutes leurs dimensions, c’est-à-dire financières, humaines, matérielles et immatérielles, et de ne pas se limiter à la seule gestion par les coûts mais de prendre en compte également la valeur créée et les bénéfices attendus. Il s’agit également d’assurer que l’allocation intégrée des ressources est une traduction opérationnelle de la stratégie globale de l’entreprise. Dans la pratique, il existe souvent un écart entre l’ambition pluriannuelle et globale d’un plan stratégique et la trajectoire budgétaire construite par départements et focalisée sur l’année à venir. L’introduction d’outils de projection et de planification peut permettre de réduire le gap en combinant une vision financière pluriannuelle, un suivi de toutes les initiatives sur une durée potentiellement longue et un plan opérationnel d’allocation des ressources établi sur une base annuelle.
Pour répondre aux enjeux d’adaptabilité, certaines pratiques d’organisations exponentielles ont prouvé leur efficacité :
- Allouer les ressources en priorité aux équipes structurelles et pérennes comme les équipes produit, qui adressent en général les opportunités sur une période de temps long plutôt qu’aux équipes « pompier » éphémères qui gèrent en général des irritants sur des temps plus courts ;
- Lier l’allocation des ressources aux résultats attendus, en pilotant dynamiquement cette mobilisation de moyens avec une mesure régulière des bénéfices attendus et atteints rendue possible par la donnée ;
- Revisiter les plans de façon fréquente, les ajuster et accepter les initiatives imprévues si elles sont porteuses de valeur et notamment supportées par du feedback client.
Un élément fondamental sous-tend cette réflexion sur le processus budgétaire : la culture de la mesure et la capacité à appréhender et exploiter les données pertinentes. Accéder aux données de performance de l’entreprise, réelle et projetée, nécessite des dispositifs de mesure adaptés et réactifs. Avoir le bon KPI en temps utile, basé sur une donnée complète et précise est un défi quotidien pour beaucoup d’entreprises. Dans le passé, chaque fonction commerciale, chaque application créait ses propres modèles et référentiels de données. Cela a conduit à une prolifération importante de données renforçant l’enjeu de pouvoir collecter, traiter et exploiter les données de façon efficace de sorte qu’elles servent au pilotage de la performance de l’entreprise (mesurer l’efficacité des opérations, la génération de revenus, la qualité des produits ou encore la satisfaction des clients ou des collaborateurs). Pour autant qu’elle soit qualifiée, accessible, unique, de qualité, pertinente et correctement exploitée, la donnée revêt une valeur particulière et est considérée « as a key business asset ». Disposer d’un outil de mesure comprenant tous les indicateurs pertinents en regard de la stratégie et des opérations de l’entreprise devient nécessaire pour un pilotage fin de la performance et un prérequis pour une allocation optimale des ressources.