Le COVID-19 va-t-il faire disparaître l’expérience client ? Le grand retour du produit ?
Accéder à l’offre de produits et services n’a jamais subi une telle transformation en si peu de temps. Le COVID-19 a engendré des conditions inédites d’achat, se rapprochant désormais plus des magasins du début du siècle dernier et du « vendeur derrière le comptoir » que de la société de grande consommation où tout est accessible facilement.
Les consignes données dans les points de vente et agences pour lutter contre le virus (distanciation physique, gestes barrières, sens de circulation, …) perturbent, en effet, profondément l’expérience que le client va y vivre. Elles transforment l’expérience vécue, la détériorent, l’appauvrissent, la rendant très secondaires, l’accès aux produits ou au service (re)devenant très prioritaire.
UN ALOURDISSEMENT PHYSIQUE ET PSYCHOLOGIQUE DU PARCOURS CLIENT ?
L’enjeu, pour cette phase 2 du déconfinement dans laquelle nous entrons, est non plus de créer une expérience gratifiante mais de la rendre la plus supportable possible. Les consignes à suivre dans les espaces de vente transforment la relation au temps et à l’espace. Des achats qui peuvent prendre plus de temps en raison de la multiplication des points d’attente ou qui peuvent générer une déambulation singulière chez des clients soucieux d’éviter les contacts et les zones d’engorgements et désireux de limiter les prises en main et l’examen des produits.
Lors de son parcours, des pensées inédites arrivent dans l’esprit du consommateur, pensées qui donnent naissance à des émotions également inhabituelles. Les raisonnements, les pensées intègrent ce nouvel intrus qu’est le virus, un virus qui impacte à la fois le parcours que le client est prêt à vivre et la stratégie qu’il met en place pour suivre ce parcours et en éviter d’autres. Ces pensées négatives concernent également ses futurs achats et ses engagements financiers face aux incertitudes et aux discours anxiogènes. De manière corollaire, les émotions habituellement positives dans le monde du commerce peuvent prendre une toute autre couleur, se transformant en émotions négatives comme l’angoisse, la peur ou l’inquiétude face à des engagements financiers non tenables.
Plus que jamais, l’enjeu est de rassurer le client et d’agir sur ses pensées et émotions négatives pour lever les freins à l’achat. Quelles sont les pensées et émotions négatives qui peuvent toucher le client ou prospect ? Comment agir pour les réduire tout au long d’un parcours qui peut avoir lieu dans la sphère non seulement physique, mais également virtuelle, et ce, dans une logique omni-canal ? Quels dispositifs adéquats pour rassurer face à l’angoisse et à la peur de la contamination ?
UN APPAUVRISSEMENT DE L’EXPÉRIENCE CLIENT ?
Le COVID-19 appauvrit l’expérience que vit le client. Celui-ci est désormais un client « orienté vers la tâche », son objectif étant avant tout de trouver le produit et le service qu’il est venu chercher. Il devient, dès lors, moins sensible au marketing expérientiel et aux stimuli sensoriels issus de son environnement commercial. Avant tout « orienté vers un but » (trouver son produit), il fait moins attention à l’agencement, à la mise en scène, à la théâtralisation… Bref, à tous ces éléments matériels orchestrés pour lui faire vivre une expérience agréable. De même, sa perception du monde par ses cinq sens risque de s’en trouver diminuée. Ce client « centré produit ou service » est moins enclin à se laisser porter par ses cinq sens, à toucher les produits ou à les essayer, à tenter de nouvelles dégustations, à se laisser porter par la musique, à se laisser séduire par les couleurs ou les odeurs.
DANS LE TRIANGLE D’OR, CRÉER UNE « NON-EXPÉRIENCE » : LE PRODUIT ET LE SERVICE VONT-ILS (RE)DEVENIR ROIS ?
Alors que faire ? Est-ce la fin de cette économie dite « expérientielle » dans laquelle l’expérience vient supplanter les produits et les services, l’idée sous-jacente étant que les consommateurs plus que désirer des produits et des services, cherchent à vivre des moments plaisants ? Est-ce la fin de la fameuse expérience client ? L’expérience client, reflet des sociétés rassasiées, aurait-elle perdu de sa superbe pour un retour basique au produit et au service ? Oui probablement, en tout cas à court terme et sur certaines de ses dimensions…
L’enjeu aujourd’hui est donc si l’on reprend le Triangle d’Or de l’expérience client que j’ai présenté lors d’une conférence chez TNP, de créer une « non-expérience »[1]. Créer une « non-expérience », c’est faire en sorte, puisque l’expérience est angoissante, stressante, désagréable de la réduire au maximum, voire de la faire disparaître …
Dans cette perspective, le magasin, l’agence physique doivent se réinventer, en y réduisant le temps de passage et/ou en s’intégrant dans un parcours omni-canal, avec du click and collect, de la e-réservation, de la mise en cabine de produits pré-sélectionnés on-line, de la visite sur rendez-vous, des rendez-vous conseils, de la privatisation d’espaces commerciaux… Citons, à cet égard, l’article de Marion Deslandres[2] qui met en lumière les innovations très inspirantes dans le monde de la mode. Le jeanneur Kaporal qui a lancé le service « Instant VIP » pour ses clients fidèles incluant trois types de prestations réservables en ligne : la possibilité de faire du shopping à plusieurs, en famille, en privatisant tout ou partie de la boutique pendant 30 – 45min, un coaching style pendant 30 minutes, un rendez-vous de 15 minutes pour retirer un colis ou procéder a un retour produit. Citons également Marionnaud avec ses séances de shopping réservables en ligne dans un magasin privatisable et son « Allo Boutique » (mise a disposition d’un service de conseil par telephone qui permet d’avoir une vendeuse, via un numero cristal dedie, de se faire recommander un produit et de passer commande).
Mais ces séances VIP, réservations, et autres privatisations entraînent aussi des relations de toute autre nature : une véritable attention et un « prendre soin » porté par le personnel au client, un client qui redevient « unique » dans tous les sens du terme et auquel on a envie de faire plaisir… Une expérience, qui si elle s’appauvrit sur ses autres dimensions, semble s’enrichir sur une dimension hautement symbolique : sa dimension sociale.
Bref, le retour du commerce d’Antan…
… Ou comment le COVID-19 a accéléré la réponse à un besoin grandissant des clients : un besoin d’Humain face à un monde hautement digitalisé.
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[1] Les deux autres coins du triangle d’or de l’expérience client, la « magnification » de l’expérience et la lutte contre les irritants n’étant pour le moment plus une priorité.