Le fret ferroviaire peut-il redevenir compétitif sur le marché du transport de marchandises ?

26 octobre 2018

Depuis une vingtaine d’années, le transport ferroviaire de marchandises en France et en Europe a progressivement laissé sa place au transport sur route. (En 2016, le transport de marchandises par voies ferrées représentait en France 9,9 % du transport total de marchandises contre 88% pour la route.) Fait étonnant a priori puisque en termes de rendement, le train affiche des performances bien meilleures que le fret routier : un train peut transporter le chargement de 50 camions en moyenne. Le choix du fret ferroviaire permet de transporter plus de marchandises à un prix moindre, de désengorger les routes et de réduire l’empreinte écologique de la chaîne logistique. Néanmoins, le transport routier reste privilégié pour sa flexibilité, sa demande moindre de manutention et ses taux d’avaries moins élevés que le train. Par conséquent, le transport ferroviaire doit améliorer ses performances actuelles et développer de nouvelles compétences s’il veut redevenir compétitif face à la route.

Quels sont les leviers qui permettraient de remettre le transport ferroviaire sur la bonne voie ?

SYSTÉMATISER LES PARTENARIATS OPÉRATEURS DE FRET / START-UP

De même que dans d’autres secteurs, les acteurs du fret ferroviaire doivent intensifier les transformations permises par les partenariats avec les start-up. Ces synergies permettent de concilier les infrastructures des grands groupes avec l’apport technologique des start-up.  A titre d’exemple SNCF logistic fait aujourd’hui appel à la solution de conteneurs connectés développée par la start up Traxens dans le but de mieux gérer ses volumes de fret grâce à la data collectée. Ces écosystèmes d’innovations constituent le futur du transport ferroviaire.

ASSURER LE RENOUVELLEMENT ET LA MODERNISATION DES TRAINS

Les entreprises ferroviaires de fret se doivent également d’investir dans des trains plus rapides et performants. Les constructeurs de trains proposent aujourd’hui des produits et solutions innovantes destinés au transport de fret. Alstom teste actuellement des trains de frets équipés de l’ATO (Automatic Train Operation) aux Pays-Bas, qui permettent une conduite automatique de train avec supervision du conducteur.

PILOTER DE FAÇON STRATÉGIQUE LA MODERNISATION DES INFRASTRUCTURES DU RÉSEAU NATIONAL

En complément de l’intégration des technologies de pointe au matériel roulant, le changement des infrastructures est inévitable puisque l’intégralité du système ferroviaire français est menacé d’obsolescence. (En 2018 l’âge moyen d’une voie en France est de 31 ans contre deux fois moins en Allemagne.) Cependant, le gestionnaire du réseau ferré français (SNCFR) étant un EPIC, les décisions de rénovation qui représentent des investissements conséquents du réseau doivent être prises par les acteurs publics dans un contexte économique compliqué pour l’EPIC. SNCF Réseau est actuellement en train de changer les voies ferrées sur 50 kilomètres entre Toulon et Marseille. Il faut espérer que de grands travaux de changement d’infrastructures à l’image de celui-ci précédemment soient mis en place dans les prochaines années ; les rénovations et réparations ponctuelles ne suffisent plus !

DÉVELOPPER LES TRANSPORTS INTERMODAUX 

Le transport intermodal consiste à utiliser successivement deux ou plusieurs modes de transport pour réaliser l’acheminement du fret (exemple : ferroutage). Il a pour but d’apporter de la flexibilité, de la rapidité et une optimisation des coûts. L’idée est de réduire les distances parcourues par les camions en les intégrant dans un système dans lequel le moyen de transport le plus efficace est utilisé sur un trajet donné.  Le train sera ainsi privilégié sur les distances terrestres longues et la flexibilité du camion sur le trajet du « dernier kilomètre ».  Ce mode de transport exige de conserver un contenant unique et standardisé durant toute la phase de transport. Le transport combiné ferroviaire en France représente en 2016 seulement 10 milliards de tonnes km contre 24 milliards de tonnes km pour un transport ferroviaire conventionnel. Il appartient aux politiques de transport de favoriser la mise en place d’interfaces intermodales dans le but de favoriser un transport de fret optimisé. Dans cette logique des initiatives ont été lancées : par exemple l’autoroute ferroviaire, du « Boulou », financée par l’Etat français et ouverte en 2016 qui relie l’Espagne à l’Angleterre sur une distance de 1500 km.

Pour redevenir attractif face au camion, le transport de fret ferroviaire doit mobiliser l’investissement des acteurs privés (les opérateurs de fret) mais également publics (SNCF réseau), dans un secteur qui reste extrêmement dispendieux. Le sujet est très politique depuis le Grenelle de l’environnement où des objectifs avaient été fixés dans l’Engagement national pour le fret ferroviaire. Dans les faits ces objectifs ambitieux, dont l’échéance arrive en 2020, sont un réel challenge à relever conjointement pour tous les acteurs impliqués.

Marion Malacan
MARION MALACAN
SENIOR CONSULTANTE

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