Comment aligner les entreprises avec l’intérêt commun ?
Un article de Adrien COURET, Directeur général chez Aéma Groupe, paru dans le livre blanc « Comment réussir le sursaut de l’Europe ? ».
Aéma Groupe est le cinquième acteur de l’assurance en France, avec un chiffre d’affaires de 15,6 milliards d’euros en 2023, plus de 20.000 collaborateurs et 12 millions d’assurés. Aéma Groupe fédère les marques Macif, Aésio Mutuelle, Abeille Assurances, Ofi Invest et couvre l’ensemble des besoins de protection (assurance Dommages, Santé Prévoyance, Épargne Retraite, Gestion d’Actifs).
Avec près de 200 milliards d’euros d’actifs sous gestion, soit environ 10 % de l’épargne des Français, Aéma Groupe dispose d’une capacité d’investissement importante pour accélérer les transitions et faire bouger les lignes sur les enjeux climatiques et sociétaux. Fidèle à ses engagements mutualistes, le Groupe défend les intérêts de ses sociétaires, adhérents, clients, en répondant au souhait de la majorité des Français de mettre leur épargne au service d’un monde plus durable.
La difficile application de l’accord de Paris
La perception du changement climatique est encore celle d’un sujet comme un autre. Ce qui ne fonctionne pas actuellement, c’est le fait que l’écologie fait davantage peur que le changement climatique. En outre, nous opposons trop souvent la transition climatique et la compétitivité.
Le changement climatique en France n’est pas seulement une question d’indemnisation. Il relève aussi du principe de réalité. Ainsi, il sera plus difficile à l’avenir de continuer à vivre sur certains territoires. Or, cette prise de conscience n’est toujours pas présente dans les milieux économiques et politiques.
Par ailleurs, il existe peu d’incitations fiscales pour encourager les entreprises à contribuer à la transition écologique et à anticiper le changement climatique. Les règles du coût en capital ne tiennent pas compte de l’impact environnemental des activités et des actions de prévention. Les systèmes incitatifs pour atteindre les objectifs définis dans le cadre du Green Deal ou de l’Accord de Paris sont trop rares. La vertu n’est pas valorisée.
Aux États-Unis, il existe des incitations financières très fortes pour investir dans les énergies renouvelables. En Europe, les mesures d’investissement sont positives pour les nouveaux secteurs d’activité, mais insuffisamment incitatives pour les anciens. Le Pacte vert ne traite qu’une partie du sujet.
Le rôle d’Aéma Groupe en faveur du climat
Aéma Groupe a deux rôles, celui d’assureur et celui d’investisseur. Aéma Groupe prend des initiatives fortes au service du climat, notamment en termes de protection de la biodiversité, de dialogue actionnarial avec les entreprises où il investit, de résolutions d’actionnaires en faveur de la transition énergétique.
En tant qu’investisseur responsable, Aéma Groupe contribue à l’évolution des pratiques des entreprises face aux enjeux climatiques et de transition. Environ 80 % des émissions de gaz à effet de serre du groupe sont liés à son métier d’investisseur. Aéma Groupe effectue son travail d’actionnaire préoccupé par les performances des entreprises où il investit. Les dimensions extra-financières font partie de cette performance, car elles posent la question stratégique de l’évolution des modèles d’activité dans le temps.
Aéma Groupe assume de développer une politique d’investisseur activiste. Dans les entreprises dont il est actionnaire, comme TotalEnergies, Engie et Carrefour, Aéma Groupe encourage les résolutions d’assemblée générale relatives à des politiques de réduction d’émission de gaz à effet de serre, de diminution de l’utilisation du plastique… L’objectif de ces résolutions est de faire changer l’état d’esprit au sein même de la gouvernance de ces entreprises.
Aéma Groupe a choisi de parler d’activisme actionnarial pour frapper les esprits et montrer que l’investissement est un vrai levier d’action. Au-delà des assemblées générales, le groupe mène un travail en profondeur avec les entreprises détenues dans son portefeuille.
En tant qu’assureur, Aéma Groupe milite pour le maintien de la logique de mutualisation et l’accès du plus grand nombre à l’assurance. La dimension sinistralité relève de la question de l’aménagement du territoire. Comment maintenir l’assurance sur des territoires qui ont une plus faible répartition des aléas climatiques, par exemple les risques de sécheresse, d’inondation, de grêle… ? Pourquoi avoir construit des bâtiments à tel ou tel endroit ?
En qualité d’expert du risque, les assureurs ont un rôle d’alerte auprès des autorités. Si notre capacité d’action est forte, elle est limitée face à un enjeu systémique qui relève nécessairement d’une chaîne de responsabilités. D’où la nécessité de réunir tout le monde autour de la table. Malheureusement, il n’y a pas de lieu où les collectivités locales, les pouvoirs publics, les assureurs, les assurés ainsi que les autres parties prenantes, peuvent se réunir afin d’élaborer un projet d’aménagement territorial de long terme.
Les solutions à mettre en œuvre
La France est très exposée au risque climatique. Il ne faut pas regarder la multiplication des catastrophes naturelles sous un angle exceptionnel.
Aéma Groupe est en première ligne face au changement climatique. Or, le secteur de l’assurance a un rôle de couverture et de réparation qui commence à toucher ses limites. Les fonds propres du secteur de l’assurance s’élèvent à 150 milliards d’euros. À titre de comparaison, le coût du Covid s’est élevé à 200 milliards d’euros. Ainsi, les risques augmentent plus vite que les fonds propres des assureurs. L’assurance ne pourra pas répondre seule au changement climatique et aux risques systémiques.
Les actions concrètes à long terme sur les effets du réchauffement climatique sont inexistantes. Or, le rôle de prévention est très important dans le cadre de l’aménagement du territoire, par exemple contre la hausse du niveau de la mer, les risques d’inondation autour des fleuves… Il faut investir dans la prévention, aménager son terrain, mettre en place des barrières anti-eau pour éviter des dégâts considérables… La France est exemplaire en matière d’assurance. Il existe une culture de l’assurance en France où la plupart des citoyens sont assurés, avec une forte mutualisation. Mais nous avons besoin d’une prise de conscience urgente du façonnage du territoire.