E-commerce : la fin des retours gratuits n’est plus une option
C’est un fait : le boom du commerce en ligne couplé à la hausse des prix du transport a transformé les modèles économiques en profondeur. L’impact économique et écologique des retours dans la chaine de valeur est devenu un sujet stratégique pour les E-commerçants. Longtemps utilisé comme un levier de conquête, le retour gratuit n’est plus plébiscité.
Par Laurent Jeaneau, Directeur Supply chain & Solutions Digitales et Lancelot Mauny, Consultant Senior Business Excellence & Supply Chain, chez TNP Consultants.
Cet article a été publié dans LSA
Oui, le “try it, buy it later” séduit en masse
Véritable facilitateur de business, le retour gratuit a nettement permis de démocratiser la vente en ligne, canal couvrant 20% des ventes de détail aujourd’hui. La stratégie gagnante du « Try it, buy it later » de Zalando, permettant de renvoyer gratuitement jusqu’à 100 jours après l’achat des produits non conservés a longtemps été valorisé comme un argument sécurisant pour le client.
Le volume d’achat en ligne ayant explosé, le nombre de retours ne cesse de croître. On estime en moyenne à 10% des ventes le nombre de produits retournés, ce chiffre pouvant représenter jusqu’à 30% du volume dans le secteur du textile, selon le ministère de l’Economie et des Finances. Une tendance qui représenterait plus de 150 millions produits retournés en France en 2021.
Mais en pleine évolution, le secteur revoit sa copie… à juste titre.
Coûteux et irresponsables
Le constat est clair : les retours gratuits sont onéreux. Un retour coute aujourd’hui, entre 12,5€ et 20€, par colis. Selon une étude publiée par OpinionWay, 7€ sont directement liés au transport, le reste étant partagé entre les coûts d’emballage et de la logistique. Et c’est sans compter l’inflation et la hausse du prix des transports qui risquent de continuer d’impacter la rentabilité des e-commerçants et d’augmenter ces coûts. A cela vient évidemment s’ajouter le coût lié aux produits défectueux qui eux, seront de nouveaux renvoyés dans un circuit spécialisé pour être détruits, transformés ou bien vendus sur des canaux dédiés à la seconde main, s’ils sont par exemple considérés comme déjà portés. Et là aussi, le surcout explose…
Plus encore, la consommation responsable passe de manière indispensable par un achat responsable. Exit le retour d’un produit à l’autre bout du monde suite à un achat compulsif. Ces habitudes ne sont plus acceptables. La responsabilisation des entreprises et des clients devient un point stratégique des politiques RSE. Le devoir de mesurer puis d’informer l’impact de chaque action est devenue une priorité dans les enjeux réputationnels des entreprises. Le client se réserve le choix d’adopter un comportement vertueux mais l’entreprise doit lui proposer des solutions économiquement plus responsables.
En la matière, la loi AGEC imposant de ne plus détruire les invendus non alimentaires tend vers cette incitation à un comportement responsable du consommateur. Selon une étude de l’université Technique de Delft, la majorité des répondants se déclarent d’ailleurs neutre à un frai de retour allant jusqu’à 5 €… pour peu que celui-ci soit une obligation légale. Dès lors, une loi imposant un frai de retour universel serait la bienvenue pour limiter drastiquement les retours.
Vers une cruciale transformation du modèle
Il est urgent de transformer le modèle, d’optimiser et de limiter les flux retours. Bien entendu, il ne s’agit pas de détourner les consommateurs du mode d’achat en ligne, pour qui le retour est un sujet déterminant
En effet, 77% des clients de sites e-commerce déclarent qu’ils ne passeront commandes que si les e-commerçants offrent un moyen simple et rapide de retourner les produits sans contrainte.
80% des E-consommateurs affirment qu’ils cesseront de commander des articles en ligne si cela leur demande de prendre en charge l’intégralité des frais de retour.
Un système intégrant plusieurs canaux de distribution devra voir le jour qu’il s’agisse du retour en point relais (52% des clients se disent prêt à adopter ce canal) ou un service d’enlèvement à domicile (27% aimeraient bénéficier de ce service).
Pour répondre à cette nécessité, certains E-commerçants ont déjà anticipé cette transformation sous couvert de politiques RSE. Parmi-eux, Zara, H&M, ou encore Uniqlo ont déjà mis en place un frais de retour allant de 1 à 4 €. Et de son côté, Amazon a décidé d’augmenter le prix de son abonnement PRIME.
Pour relever ce défi, il faut vite réinventer l’expérience client sur un marché concurrentiel et mondial. Le tout, en prenant en compte les contraintes imposées par ces consommateurs et leurs conséquences dans l’organisation supply chain de l’entreprise ainsi que les solutions logistiques à déployer pour y répondre….