Mobilité en 2025 : l’urgence d’innover au lieu de réglementer

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OPINION. De tout temps, la mobilité a fait rêver. La vitesse, l’accessibilité, la connectivité sont au cœur des besoins humains. Pourtant, à l’heure où la mobilité mondiale continue de croître, la question environnementale impose des transformations profondes. L’enjeu est double : répondre à la demande croissante tout en décarbonant massivement. Par Benoît Ranini, président de TNP (*)

D’ici à 2050, le volume du transport aérien doublera pour atteindre 10 milliards de passagers par an, tandis que le transport de marchandises suivra une trajectoire similaire. Face à cette réalité, plusieurs approches coexistent : pendant que les États-Unis et la Chine investissent massivement dans l’innovation, l’Europe s’enferme dans une stratégie de réglementation. Il est temps d’abandonner cette passion normative pour redevenir un moteur d’innovation et de production.

Le transport de marchandises : une logistique en mutation

Les récentes crises – pandémie, tensions géopolitiques, conflits régionaux – ont révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement. La supply chain est aujourd’hui soumise à une double pression : résilience et durabilité. Face à cela, le secteur maritime investit dans des solutions plus vertes comme les carburants alternatifs (GNL, hydrogène) et le retour de la propulsion à voile. Les entreprises cherchent aussi à intégrer davantage de logistique multimodale, alliant fret routier, ferroviaire, maritime et aérien.

Dans le même temps, une intense vague de consolidation redessine le secteur. Les grands groupes comme CMA-CGM (**), MSC ou DSV réorganisent leurs activités autour de la logistique globale, à l’image de CMA-CGM qui aspire à devenir un logisticien de bout en bout. Cette convergence entre hubs industriels et hubs logistiques multimodaux redéfinit les stratégies d’implantation et de production.

L’automobile et l’aérien : entre rupture technologique et adaptation réglementaire

L’industrie automobile vit une mutation sans précédent. Entre la fin annoncée du moteur thermique en 2035 et l’essor des véhicules électriques, la transformation est énorme. Pourtant, des freins persistent : coûts élevés, autonomie limitée, manque d’infrastructures de recharge. Face à cela, la Chine prend une longueur d’avance, avec des constructeurs agiles et une maîtrise des cycles de production courts.

Dans l’aérien, la décarbonation est en marche. Les nouvelles générations d’avions permettent d’économiser jusqu’à 25 % de carburant. Mais l’avenir réside dans les carburants durables (SAF) et l’hydrogène, dont le déploiement nécessite d’importants investissements en infrastructures. Parallèlement, l’intégration du digital transforme le secteur : les compagnies deviennent des tech-companies, monétisant leurs données et explorant de nouvelles sources de revenus, comme l’expérience immersive en vol.

Le ferroviaire et le maritime : des solutions décarbonées à structurer

Le ferroviaire est l’une des solutions les plus efficaces pour atteindre les objectifs climatiques. Avec une croissance annuelle de 9 %, son développement repose sur l’électrification, les trains à hydrogène et l’ouverture à la concurrence. L’exemple de Trenitalia sur la ligne Paris-Lyon-Milan montre que la concurrence améliore le service et fait baisser les prix. En Espagne, l’ouverture du marché ferroviaire a fait chuter les tarifs de 40 %. La France doit suivre cette dynamique.

Enfin, le transport maritime, qui représente 90 % des marchandises échangées dans le monde, est au cœur des enjeux climatiques. L’Organisation maritime internationale vise une réduction de 40 % des émissions de CO2 d’ici à 2030 et la neutralité carbone en 2050. Le retour des voiles rigides et des carburants alternatifs, comme le GNL et l’hydrogène, offrent des perspectives prometteuses.

L’Europe face à un choix stratégique

Le futur de la mobilité repose sur la capacité à innover. Face aux États-Unis qui soutiennent leur industrie et à la Chine qui structure son marché, l’Europe ne peut pas se limiter à la contrainte normative. Elle doit créer un cadre stimulant l’innovation et l’investissement, sans freiner les acteurs économiques par des réglementations excessives.

Le transport et la mobilité doivent être pensés dans une vision 360°, associant industriels, logisticiens et pouvoirs publics. C’est à ce prix que nous pourrons concilier croissance, liberté de mouvement et respect de l’environnement.

(*) Benoit Ranini est le président et cofondateur de TNP, un cabinet de conseil européen indépendant. Benoit dirige une entreprise comptant près de 800 consultants à travers le monde, spécialisés dans les transformations opérationnelles, réglementaires et digitales des entreprises. En 2022, TNP Consultants a été reconnu par les prix Happy at Work, Tech at Work et Happy Trainees, soulignant sa forte culture et ses valeurs « Employee First ». Cet engagement se traduit également dans l’accompagnement des clients du cabinet. TNP a ainsi été récompensé par le Grand Prix Syntec Conseil.

(**)  CMA CGM est propriétaire de La Tribune, NDLR.

Benoit RaniniPrésident, cofondateur