Automobile : accélération !
Les relations entre constructeurs et fournisseurs (au sens large) vivent leur 3eme révolution. Il n’y a pas si longtemps, les donneurs d’ordre voulaient tout faire eux-mêmes et ne sous-traitaient que des pièces et pas de fonctions complètes… et revalidaient en interne le travail de leurs fournisseurs. La confiance ne régnait pas.
Puis est venu le temps de la maturité des équipementiers devenus plus vite plus internationaux, présents sur tous les marchés, plus gros, plus innovants. Ils conçoivent aujourd’hui la plupart des fonctions du véhicule, participent à sa définition d’ensemble et parlent d’égal à égal avec leurs clients constructeurs.
Avec l’irruption du numérique, tout change. Les GAFA se positionnent comme des acteurs majeurs sur un marché encore pharaonique malgré le déclin annoncé de l’automobile individuelle (90 millions de VN par an, à un prix unitaire de 16000 euros, cela fait près de 1500 milliards par an sans compter le VO, la PR, le financement et tous les services associés à la possession ou la location d’un véhicule). Le gâteau est gros et les appétits féroces. Et viennent maintenant les start-ups, d’abord méprisées, puis acceptées du bout des lèvres, puis courtisées, associées ou rachetées. Chaque jour apporte son lot de nouveaux accords et c’est un véritable défi que d’essayer de comprendre le sens de tous ces rapprochements.
Trois enseignements émergent néanmoins de ce mouvement brownien :
- Le premier est que la guerre des talents est devenue LE facteur clé de performance pour ne pas dire de survie. Qui aurait imaginé il y a seulement deux ans Renault racheter le département R&D France d’INTEL pour développer sa voiture connectée, pendant qu’INTEL mettait 10 milliards pour racheter Mobileye ? Qui aurait pensé que Valeo s’associerait avec Cisco pour innover en matière de mobilité du futur ? Et que Faurecia rachèterait Parrot Automotive pour ses véhicules connectés et s’associerait avec ZF sur la voiture autonome ? Qui aurait cru que Delphi abandonnerait sa division transmission pour créer une entité véhicule connecté ? etc…, On imagine le choc culturel en interne dans les ingénieries obligées de changer de modes de travails, de retrouver les vertus de la vitesse de décision, de prendre des risques sur des choix techniques Et cette guerre est mondiale : Google lui-même s’associe à Lyft pour prendre de vitesse Uber !
- Le second est que le futur de l’automobile – électrique, connectée, autonome – passe par de nouvelles compétences qu’aucun des grands acteurs ne maîtrise complètement : le véhicule connecté va générer des milliards de données, un eldorado pour des armées de data scientists, le véhicule autonome va passer par la convergence entre télécoms et mobilité avec la 5G, le véhicule électrique a besoin de nouveaux chimistes pour créer des batteries économiques et à forte autonomie qui sont le vrai « game change » du développement du véhicule propre (près de 40% du prix de la voiture). Daimler vient d’y investir 1 milliard d’euros et longtemps après Renault, tous les constructeurs offrent une gamme de plus en plus complète de VE. Et tout cela sans même parler de l’intelligence artificielle qui définira les cerveaux de la voiture de demain comme le laisse penser le retour de Samsung dans l’automobile.
- Le dernier est la bataille féroce qui se déroule derrière ces coopérations : pour la définition de standards favorables, pour la fixation de normes ouvertes à l’expérimentation, pour le contrôle de la propriété des données véhicules et usager, pour la régulation des responsabilités en matière de voiture autonome. Les frontières entre constructeurs, équipementiers, fabricants de logiciels, service providers devient de moins en moins pertinentes. C’est un écosystème totalement nouveau qui apparait, et le mouvement s’accélère tous les jours.