La rénovation énergétique des logements au cœur de la stratégie d’alignement climatique des banques

Un article de Maxime Druais, responsable ESG (BPCE), paru dans le Livre Blanc « Bâtir une Europe financière souveraine »

Le secteur du bâtiment représente 28 % des émissions carbone de la France en incluant celles liées à la production d’énergie consommée dans les bâtiments, dont 80 % pour le résidentiel.

Rénover ses bâtiments, c’est l’enjeu qui attend la France si elle veut maîtriser ses émissions de gaz à effet de serre et contribuer à son indépendance énergétique. Deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, le secteur du bâtiment (résidentiel-tertiaire) est aussi le plus consommateur d’énergie (45 % de la consommation d’énergie finale).

Alors que l’actualité entraîne dans son sillage l’envol des prix de l’énergie, 5 à 7 millions de ménages français vivent aujourd’hui dans des « passoires énergétiques » (DPE = F ou G) dont trois millions à revenus modestes. Réduire et maîtriser notre consommation d’énergie est désormais un objectif central. Avec la Loi résilience climat 2021, la location des « passoires thermiques » d’ici 2028 sera interdite, impliquant la rénovation d’ici cinq ans de plus de deux millions de logements en location.

Le défi visé par la France pour ce secteur clé est immense. Il faudrait pour la prochaine décennie baisser 10 fois plus nos émissions carbones en deux fois moins de temps que sur les 25 dernières années. Alors que la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), feuille de route de la France pour lutter contre le réchauffement climatique, vise pour le secteur du bâtiment une trajectoire de réduction des émissions de -49 % en 2030 par rapport à 2015, elles n’ont baissé que de 4 % entre 1990 et 20

Or, un premier bilan des enjeux autour du financement de la rénovation énergétique montre que plus de 90 % du chemin reste à faire pour atteindre les objectifs de la SNBC.

Si la SNBC incite à une forte accélération du rythme des rénovations des logements en visant à atteindre au moins 370 000 rénovations performantes par an, leur financement est loin d’être un objectif atteint : plus d’une décennie après leur lancement, les prêts éco-PTZ (prêts à taux zéro accordés par les banques pour financer les travaux de rénovation énergétique des logements) dépassent difficilement le nombre des 40000 par an. Alors que le marché potentiel de la rénovation énergétique est estimé entre 10 et 15 Md¤ par an, le montant total de ces prêts verts souscrits par les Français a été de 0,5 Md¤ en 2020.

Un enjeu clé pour les banques puisque 20 à 40 % de leurs expositions sont des crédits à l’habitat. Un objectif aussi dans leur volonté d’aligner leurs activités avec la trajectoire préconisée par l’Accord de Paris.

Le dossier de financement à constituer peut s’avérer plus complexe qu’un simple financement de travaux. Accompagner les clients en facilitant le parcours de leur financement et proposer des offres adaptées aux besoins et aux ressources de chacun sont clés au succès de ces prêts verts.

D’autant que mener un projet de rénovation énergétique peut s’avérer complexe et source de stress :

Quels travaux effectuer ? Quels artisans choisir ? Quelles aides et subventions mobilisables et comment monter les dossiers ?

Ce travail d’évolution des banques passe aussi par le conseil et l’accompagnement au développement de la filière de la rénovation énergétique au sein du secteur du bâtiment.

Des banques ont déjà commencé à entreprendre des voies de développement inédites, comme celle d’apporteur d’affaires aux entreprises proposant des solutions à la rénovation énergétique. Faire autrement la promotion auprès de leurs clients d’offre de prêts pour la rénovation énergétique en simplifiant les démarches administratives entre aides de l’État et montages financiers et créer à titre illustratif des partenariats stratégiques avec des contractants généraux.

L’industrie financière a la capacité d’être ce partenaire moteur d’une économie nationale bas-carbone, en facilitant la transition climatique de ses clients. L’avenir pourrait se dessiner autour de ces banques qui accompagnent les TPE et PME du bâtiment en aidant la rencontre offre/demande verte de ces entreprises avec les clients particuliers qu’elles financent. Faciliter le parcours de leurs clients, voire proposer des aides aux côtés de l’État pour les ménages en précarité énergétique.

La rénovation énergétique des logements est une nouvelle donne : tout comme la mobilité verte, elle est au cœur des métiers de financement de la banque de détail. En étant une solution à l’envol des factures énergétiques, elles sont aussi au cœur du thème de la transition juste. Ce thème, à l’agenda de l’Union européenne dans le cadre de sa nouvelle politique de cohésion 2021-2027, sera aussi celui de la COP 27.

Si l’État-providence s’est imposé au sortir de la seconde guerre mondiale pour garantir les Français contre les risques de loge- ment, santé et pauvreté-exclusion, à l’aune de ces nouveaux risques environnementaux, plus holistes et interconnectés, les banques ne devraient-elles pas penser autrement le rôle de la finance du XXIème siècle ? Devenir des banques engagées au service de leur client et d’une transition juste. Réconcilier enjeux sociétaux et environnementaux pour assurer la stabilité et la pérennité de notre (éco)système.