La rénovation énergétique des logements au cœur de la stratégie d’alignement climatique des banques
Un article de Benoit Ranini, Président et co-fondateur, TNP et Henry-Julien Vayssette, directeur TNP, paru dans le Livre Blanc « Bâtir une Europe financière souveraine »
De crise en crise, le marché unique de l’Union européenne n’a cessé de se renforcer au cours des décennies. Les dernières crises ont clairement mis en exergue notre manque de souveraineté, que ce soit dans le domaine de la santé et de la logistique avec la crise sanitaire, ou dans celui de l’énergie et de la défense avec la guerre en Ukraine. Cependant, avec le rééquilibrage des grandes puissances économiques, notre souveraineté via l’émergence de grands leaders européens dans le secteur bancaire se fait de plus en plus nécessaire
Un système bancaire européen sain
À la suite de la crise des subprimes de 2008, le système bancaire européen s’est considérablement assaini : renforcement en fonds propres qui ont grimpé de plus de 60 %, amélioration de la qualité des actifs, liquidité abondante… Le ratio de solvabilité des banques a ainsi augmenté de près de 7 points de pourcentage depuis 2008.
Cette plus forte solidité des banques européennes s’explique notamment par un cadre réglementaire renforcé, comme l’introduction des ratios de liquidité LCR & NSFR et la naissance de l’Union bancaire. Celle-ci, bien que non parachevée, a obligé les établissements à se conformer aux mêmes règles et aux mêmes pratiques de supervision (validation des modèles, pratique de gestion des risques, stress tests…).
Pour autant, sur la même période, la rentabilité des banques a fortement diminué avec des cours de Bourse qui ont beaucoup souffert pour nombre d’entre elles, alors même que leurs coefficients d’exploitation restent très élevés.
Dans ce contexte de manque d’attractivité des banques européennes, les banques américaines ont largement aug- menté leurs parts de marché, passant de 40 à 63 % en dix ans sur les activités de la BFI (Banque de Financement et d’Investissement). En Europe, ces dernières dominent le secteur de la BFI, nombre de banques européennes ayant renoncé à ce type d’activité pour des raisons réglementaires et avec une volonté de réduction de leurs profils de risques. De plus, les banques américaines étant très rentables sur leur propre marché, avec un marché de capitaux profond et un accès facilité à la titrisation, elles peuvent adopter des politiques tarifaires plus agressives afin de gagner des parts de marché.
Seule l’émergence de leaders européens de la banque permettra de lutter face à des banques américaines qui ne cessent de gagner du terrain en Europe.
L’émergence de leaders bancaires européens
Le secteur bancaire européen est composé d’acteurs à la fois nombreux et divers. Ce marché est resté très fragmenté, les cinq plus grandes banques européennes ne représentant que 20 % du marché. Nous constatons ainsi une trop faible consolidation au sein du Vieux Continent avec des surcapacités au sein du secteur, source d’opportunités pour l’émergence d’acteurs de taille critique. À titre illustratif, l’Europe compte environ 25 agences par établissement contre 17 aux États-Unis.
L’Europe tient à disposer d’une grande diversité d’établissements et de modèles avec des petites banques, des banques coopératives, des banques à mission sociale… sans que ces établissements soient toujours viables ou aient la capacité de s’adapter aux enjeux de la digitalisation ou de la transformation durable. L’Europe se retrouve dans une situation paradoxale où le nombre d’agences par habitant doit diminuer mais avec une volonté persistante de maintenir une inclusion des territoires et un rôle de proximité. Corolaire de cette diversité, nous faisons face à des marchés très différents en termes de pratiques et d’habitudes, révélateur d’un marché bancaire européen encore très compartimenté.
Par ailleurs, des contraintes réglementaires obèrent de façon substantielle la réalisation de fusions transnationales, l’objectif cardinal de celles-ci étant la création de synergies en supprimant les doublons. Les contraintes liées aux règles prudentielles appliquées aux banques systémiques représentent ainsi un obstacle à la consolidation bancaire. Dans l’absolu, ces contraintes pourraient être levées par des « waivers » en capital et en liquidité. Rien n’est fait à l’heure actuelle.
En réalité, les possibilités de fusion transnationales achoppent sur la volonté de chacun des États membres de garder la mainmise sur leur propre secteur financier et à conserver leurs spécificités. En témoigne l’impasse dans laquelle se trouve actuellement la poursuite de l’Union bancaire alors même que l’objectif initial était de casser le lien entre banques et émetteurs souverains.
Ainsi, même si la Banque Centrale Européenne encourage une consolidation, y voyant trois avantages majeurs – une meilleure efficacité de la politique monétaire, des marchés financiers et un système bancaire plus intégrés en Europe, et une meilleure régulation de la zone euro –, ses déclarations n’engagent en réalité que son président sans le soutien de son conseil et restent un vœu pieu.
Des perspectives à construire
Le développement de leaders européens de la banque est conditionné en tout premier lieu par des assouplissements au niveau réglementaire. Un juste équilibre doit être trouvé entre se prémunir du risque d’être confronté à des situations de « Too big to fail », et d’empêcher l’émergence de leaders avec de trop fortes contraintes comme celles des G-SIB. Certaines évolutions vont dans le bon sens, comme la révision du traitement des expositions transfrontières des banques systémiques au sein de la zone euro, permettant une réduction des fonds propres et une facilitation de rapprochements.
Il est nécessaire d’inciter les régulateurs à harmoniser davantage la réglementation des produits bancaires et financiers et ainsi permettre aux banques de profiter d’économies d’échelle et de synergies. Les initiatives en matière d’« openbanking » avec la mise en œuvre DSP2 en 2018 vont dans le bon sens. Dans tous les cas, afin de surmonter la fragmentation du marché, nous pen- sons qu’il est primordial de connaître l’environnement bancaire des États Membres avec leurs spécificités de marché et les réglementations locales.
Enfin, la consolidation du secteur devra être appréhendée suivant deux approches entre des fusions à visées purement nationales et d’autres transnationales avec un raisonnement par «business model» et activité. Ainsi, des fusions à caractère nationale pourraient concerner des activités de banque de détail tandis que des fusions transnationales impliqueraient des activités de banque de gros ou de gestion d’actifs où la taille critique est clé.
Dans une Union bancaire à l’arrêt et freinant l’émergence d’un leader européen de la banque, une volonté politique doit s’enclencher afin de dépasser, d’une part, les souverainetés nationales pour une véritable souveraineté européenne et, d’autre part, de substituer une approche orientée stabilité financière pour une vision où l’industrie bancaire constitue un acteur stratégique, notamment de la transformation numérique et environnementale. Le secteur bancaire doit constituer un acteur fort de la souveraineté européenne. Au-delà des banques américaines, les acteurs de la Tech, dont les GAFAM, sont en embuscade.
Nos remerciements à Véronique Ormezzano, Responsable Groupe des Affaires réglementaires de BNP Paribas, pour nos échanges.