Maintenant, le XXIe siècle peut vraiment commencer
Un article de Jacques BEYSSADE, Secrétaire Général (Groupe BPCE) , paru dans le Livre Blanc « Bâtir une Europe financière souveraine »
Le rôle des banques
Il est important d’expliquer ce qu’est une banque, ainsi que l’utilité du métier de banquier dans le fonctionnement de l’économie. Contrairement à l’imaginaire véhiculé par les médias, les salles de « trading » ne représentent qu’une partie relativement mineure des banques par rapport au réseau des agences et aux autres activités.
À chaque grande crise, le rôle des banques s’avère différent. Lors des crises financières de 1929 et 2008, les banques sont apparues comme portant une responsabilité majeure dans l’origine des problèmes. A contrario, lors de la crise sanitaire de 2020, il n’y avait pas de lien originel avec les banques. La crise économique a été la conséquence des confinements et de l’arrêt volontaire de l’économie. La crise de la Covid-19 était très différente des autres crises. Toutes les agences bancaires sont restées ouvertes et les banques ont manifesté leur présence auprès des clients, notamment via la distribution des PGE et l’accompagnement de leur trésorerie. Les banques sont apparues crédibles et solides, parties prenantes des solutions et non des problèmes rencontrés.
Les perspectives
Le système financier est désormais robuste mais il va devoir financer la transition énergétique et environnementale dont l’acuité est apparue pendant la crise sanitaire et dont le coût s’avère gigantesque. La crise de la Covid-19 a rapproché les citoyens des questions existentielles et a porté un intérêt accru pour les questions liées à la santé, au climat et à l’énergie.
La transition énergétique et climatique va coûter très cher. Les banques ont vocation à répondre aux besoins de tels investissements à long terme. Elles doivent pouvoir davantage intervenir dans la transition énergétique, par exemple dans la rénovation des bâtiments, qui représentent 50 % de la consommation d’énergie en France. Les investissements nécessaires pour améliorer l’efficacité thermique des bâtiments en France sont considérables. L’État a un rôle incitatif à jouer en faveur de la rénovation thermique, mais pas les moyens de tout payer lui-même.
La règlementation
Il existe des freins réglementaires qu’il faut desserrer pour aider les banques à financer la transition énergétique. Or, les superviseurs semblent plutôt enclins à augmenter les ré- serves de fonds propres des établissements financiers.
Il est important de viser une réglementation plus intelligente, plus simple, plus compréhensible, plus facile à appliquer. Les règles générales existent. Mais lorsque les règles sont trop précises, il est d’autant plus facile de les contourner. C’est pourquoi il est préférable de fixer des objectifs partagés par tout le monde et de juger sur les résultats.
La souveraineté européenne
Nous observons en ce début de XXIème siècle l’hégémonie de deux super puissances – les États-Unis et la Chine – qui s’af- frontent dans tous les domaines.
L’Europe a un rôle à jouer pour promouvoir une troisième voie, un mode de société qui serait une alternative pour le reste du monde. Elle dispose de l’opportunité de défendre un modèle moins libéral que celui des États-Unis mais plus démocratique que le modèle chinois.
L’Europe doit s’affirmer, notamment dans le domaine financier, avec des champions européens. Le manque de champions finan- ciers en Europe résulte notamment des tensions qui persistent entre les autorités européennes et les autorités nationales.
La souveraineté européenne a été mise en défaut dans plusieurs domaines, notamment militaire, financier, industriel, alimentaire. Or, l’Europe n’a pas une uniformité de vue sur ces sujets et cela handicape sa capacité à s’affirmer.
L’Europe prospère à l’ombre du grand frère américain sans lui être totalement inféodée. Il existe cependant une lueur d’espoir quant à sa capacité d’agir dans la mesure où l’Eu- rope n’avance que lorsqu’elle est confrontée à une crise.
Ainsi, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Alle- magne a brusquement décidé de se réarmer. La Suède et la Finlande, pays traditionnellement neutres, ont décidé de rejoindre l’OTAN…
Les récentes prises de conscience de la vulnérabilité de l’Europe aident à opérer des changements importants. Le thème de la souveraineté de l’Europe revient sur le devant de la scène alors qu’il était tabou. Un nombre croissant de dirigeants européens réalise que l’Europe doit avoir une certaine auto- nomie de pensée et d’investissement vis-à-vis des États-Unis.