Les nouvelles mobilités : un atout pour une expérience de voyage augmentée
Un article de Amina Ladjici Paturel, manager senior TNP, Valérie Mayer-Blimont, directrice TNP et Widad Elhajjam manager TNP paru dans le livre blanc « La mobilité en 2035 »
Comment une telle promesse peut-elle répondre efficacement aux défis de la Mobilité du futur ?
Avec les crises économique, climatique, énergétique et sociétale, les modèles en place ont été fortement impactés, non seulement dans leur équilibre mais également dans leur légitimité. Le paysage de la mobilité a en effet fortement évolué ces dernières années.
Les acteurs, publics comme privés, forcés de se renouveler ont aussi à faire face à un usager, qui se comporte en véritable consommateur de mobilité, arbitrant ses déplacements selon des critères individuels (agenda personnel comme professionnel). Désormais, la mobilité doit être choisie et non plus subie. C’est donc bien dans ce contexte que s’inscrit le développement des nouvelles mobilités.
Les nouvelles mobilités désignent l’ensemble des solutions de transport innovantes qui visent à améliorer la qualité de vie des voyageurs en réduisant les embouteillages, la pollution atmosphérique et le bruit, tout en favorisant une mobilité plus durable et plus équitable.
Ces solutions incluent notamment les véhicules électriques, les vélos en libre-service, les transports en commun modernes, les systèmes de covoiturage, les systèmes de transport en commun automatisés, les trottinettes électriques, les transports à la demande et les transports à haut rendement.
-En France, les nouvelles mobilités se développent de plus en plus. On peut citer par exemple :
-L’utilisation croissante de la mobilité en commun pour les déplacements quotidiens.
-Les transports à la demande, les véhicules partagés, les bus à haut rendement, qui permettent de compléter les offres de transport en commun existantes.
-L’expansion des systèmes de covoiturage, comme BlaBlaCar
– Le déploiement de vélos en libre-service dans de nombreuses villes, comme le système Vélib’ à Paris.
-Le développement de véhicules électriques et hybrides, avec des incitations fiscales pour les acheteurs.
Qu’il s’agisse du matériel roulant, de l’infrastructure, ou bien encore des nouvelles solutions applicatives, ces innovations sont véritablement à même de bouleverser la donne pour renouveler l’expérience voyageur. Dans ce contexte, trois leviers sont en mesure de redéfinir nos habitudes de mobilité : la technologie, l’émergence de la mobilité servicielle, et la redéfinition de la gouvernance.
Le cap technologique déjà franchi
Il est désormais possible de se projeter dans un futur proche offrant un bouquet de mobilité performant pour tous les voyageurs sur de nombreux territoires :
Sur l’eau : les bus amphibies : actuellement utilisés, notamment à Paris, dans un cadre touristique, pourraient s’inscrire dans la reconquête du fleuve pour transporter des passagers, permettant ainsi de décongestionner les centres villes. La réglementation des circulations sur les fleuves, gérée par
Voies Navigables de France implique cependant des modifications réglementaires importantes pour permettre un véritable développement de l’offre.
Sur les rails : le train léger innovant (SNCF) (60-80 places) & le train très léger Draisy (30 places) : né de la réponse à un besoin ponctuel avec du matériel correctement dimensionné (2 voitures), il permet de maîtriser les coûts d’exploitation et d’entretien des petites lignes. Le TER électrique-thermique-batterie est le premier projet d’hybridation d’un train Régiolis en France. Il a été lancé en 2018 par SNCF et Alstom, avec la mobilisation et la participation financière de la Région Nouvelle-Aquitaine, ainsi que des Régions Occitanie, Grand-Est et Centre-Val-de-Loire. Le train Régiolis hybride combine une alimentation électrique par caténaire et moteurs thermiques, avec de l’énergie stockée dans les batteries. La batterie permet de couper la traction thermique pendant les entrées, les arrêts et les sorties de certaines gares, notamment en zone dense. Cette technologie réduit l’énergie consommée, le bruit et diminue les émissions de gaz à effet de serre, avec une solution qui permet de traiter le parc thermique existant sans devoir modifier l’infrastructure. Le démarrage du service commercial expérimental se fera au deuxième trimestre 2023. Objectifs : un train plus silencieux et une réduction de 15 % des émissions de gaz à effet de serre et de particules. La navette hybride rail-route Flexy (6-9 places) : la SNCF investit un nouveau concept de mobilité collective partagée avec le rail. Flexy est co-conçue avec la start-up française du véhicule autonome Milla, le pneumaticien Michelin et l’institut de recherches Railenium. Cette navette 100 % électrique vise à redonner de la mobilité dans les zones rurales les moins bien desservies. La ligne pilote est prévue en 2024. Le train autonome : depuis 2018, la SNCF a créé avec l’Institut de Recherche Technologique (IRT) Railenium et des partenaires industriels deux consortiums pour développer deux modèles de trains autonomes, dont un pour TER et le transport de voyageurs, développé par Bombardier, Bosch, Spirops et Thales. La Région Hauts- de-France a été choisie en 2021 pour les expérimenter et l’objectif est d’aboutir à une maîtrise de l’autonomie complète en 2023, pour engager le processus d’industrialisation à partir de 2025.
Dans les airs : le téléphérique urbain : Brest, Toulouse et bientôt Créteil : les communes se sont engagées dans la voie du transport de personnes par câble. S’affranchissant des obstacles souvent complexes en milieu dense (dénivelés, fleuves, autoroutes, etc.) les téléphériques imprègnent peu à peu le paysage des nouvelles mobilités, même si la réglementation et le survol de zones habitées n’est pas sans poser de problème. Le taxi volant : dopé par la possibilité d’intégrer cette solution lors des Jeux Olympiques et para- lympiques de Paris de 2024, le taxi volant fait son apparition pour une mobilité circonstanciée. La technologie est mature et le business model se dessine. En Île-de-France, le projet de service de transport aérien urbain, piloté par la Région, ADP et la RATP, se concrétise. Son entrée en exploitation est prévue au moment des Jeux olympiques 2024 à Paris.
Que le transport de personnes soit de masse ou plus individuel, l’expérience voyageur dépend surtout de la fiabilité avec laquelle on est en mesure de l’organiser. La donnée s’impose alors comme un actif stratégique.
Le passage à une offre servicielle de type MaaS
Qu’il s’agisse de l’information voyageurs, de la fiabilité, la fluidité, la gestion des incidents, ou bien encore de la billet- tique, l’exploitation des données de trafic sont au cœur de tous les déplacements.
Les objets connectés (IOT) redéfinissent l’expérience voyageur, aussi bien du point de vue de l’offre que du point de vue des services adjacents au voyage. Aujourd’hui, le voyage commence dès l’achat du titre de transport, la gare se doit aussi d’être intégrée dans l’expérience client (la gare n’est plus seulement un lieu de passage mais devient un lieu de destination) et le trajet doit être sécurisé du prévu à l’imprévu (gestion des situations perturbées, etc.).
C’est une marche supplémentaire à franchir, à côté des in- jonctions d’une mobilité intelligente, durable, partagée inclusive, pour les opérateurs comme pour les Autorités Organisatrices de Mobilité confrontés à une nouvelle équation : l’hybridation nouvelle du temps de travail qui s’installe à la suite de la crise de covid-19.
Avec le passage de la culture de la propriété à celle de l’usage (notamment avec le développement de l’autopartage), avec la personnalisation des services, le développement de la société des loisirs, et la conscience environnementale qui croît, se déplacer devient un acte citoyen.
Aujourd’hui, l’usager/voyageur souhaite partir de chez lui en utilisant les nouveaux modes de déplacement, dans leur déclinaison collective, comme individuelle (notamment avec les engins de déplacement personnels motorisés dans les centres urbains), après avoir planifié sur les différentes applications mobiles mises à disposition, son trajet, en étant informé des situations perturbées, et à cette occasion en ayant la possibilité de modifier son trajet en temps réel, ou bien encore de faire halte, par exemple, dans un espace de co-working qui permettra de palier les imprévus du voyage avant de repartir pour la destination prévue, en utilisant ou non l‘inter- modalité, si possible avec un seul et même tarif, un titre de transport que l’on aura payé avec son smartphone (déjà en place sur Android en IDF et dans certaines Régions) ou grâce au sms-ticketing plus répandu sur les réseaux de bus. Et en même temps il a la possibilité d’être lui-même contributeur de son voyage avec la mise en partage de l’expérience vécue (je renseigne, je qualifie, je décide, je donne mon avis). D’où l’importance pour les acteurs impliqués (aussi bien opérateurs privés que publics) et les AOM de définir un cadre cohérent à une offre de transport transparente, à la bonne échelle des parcours voyageurs.
Une gouvernance à réinventer
Assurer la visibilité et le pilotage global et efficace de toutes les offres de Mobilité (publiques, privées, collectives, individuelles) est une tâche ardue pour les AOM qui en ont la charge. En France, la fragmentation des compétences qui sont susceptibles de rentrer en ligne de compte avec les déplacements (gestion de la voirie et couloirs dédiés, gestion des stationnements, gestion des feux tricolores, etc.) empêche une gouvernance intégrée avec un seul niveau de responsabilités.
Sur quels leviers agir pour dépasser ces obstacles pour nos AOM ?
Les efforts de coopération entre collectivités pour une billet- tique interopérable et intégrée sur certains bassins de mobilité (comme en Île-de-France avec le pass Navigo ou encore en Nouvelle Aquitaine par exemple avec la Carte Modalis) représentent déjà un saut quantitatif énorme pour les usagers.
Avec le Contrat Opérationnel de Mobilité, la loi LOM de décembre 2019 propose un élément de réponse structurant pour des : « actions communes des AOM et de la Région concernant les différentes formes de mobilité et d’intermodalité…et les modalités de gestion des situations dégradées ».
Pourtant, aujourd’hui, alors que la LOM est en place depuis trois ans déjà, on constate les difficultés des AOM à mettre en place ce véhicule de gouvernance.
Si l’on s’intéresse à des exemples où les Autorités Organisatrices arrivent à répondre à ce défi au service du voyageur, on peut s’inspirer des retours d’expériences des métropoles de Londres ou de Singapour. Là où la gouvernance de la mobilité est particulièrement intégrée.
À Londres, l’autorité organisatrice TFL (Transport for London) a la main sur tous les modes de transports : de surface, souterrains, trams, bus, voieries et feux de signalisation, circulation fluviale, taxis (licence comme régulation), etc. Cette gouvernance per- met à l’évidence une vision intégrée de la chaine de transport et de son management au bénéfice des usagers.
À Singapour, l’autorité organisatrice (LTA : Land Authority Transport) a la compétence unique sur tous les modes. Elle gère de plus l’intégration de tous les nouveaux modes, assurant ainsi la cohérence des actions prises en temps réel.
Si l’importation de modèles aussi intégrés semble pour le moment difficile à envisager sur nos territoires, il est certain cependant que le management de la mobilité qu’ils portent sert un système de transport où le voyageur est véritablement au centre de l’expérience transport. Un objectif pour 2035 dans un paysage de la mobilité redessinée dans ses technologies et ses usages ?