Performance financière des entreprises : vers une vision inclusive
Depuis plusieurs années, les entreprises mesurent non seulement leur performance financière, mais également leur performance environnementale et sociétale. Ce second volet, généralement porté par des experts et des fonctions supports, est difficile à piloter, les données étant hétérogènes, incomplètes et peu robustes. Comment l’entreprise peut-elle optimiser la conduite de sa performance, pourquoi ce sujet doit-il être porté par les financiers et comment procéder ?
Un décryptage par Martine Varieras, directrice associée, publié dans Daf Mag.
Convertir les données extra-financières en données financières
De nombreuses entreprises sont confrontées à des défis complexes concernant la gestion de leurs données extra-financières. Comment les identifier, les collecter, les fiabiliser et les utiliser pour améliorer la performance ? C’est un problème difficile à résoudre, les domaines à piloter sont variés, les unités de mesures hétérogènes. Les entreprises n’ont pas toutes la même maturité sur ce sujet.
Pour relever ce défi, certaines entreprises pionnières ont fait le choix d’intégrer l’aspect extra-financier dans leurs outils de pilotage financier. Si plusieurs modèles existent aujourd’hui, aucune solution universelle n’a encore émergé. Pourtant, la conversion des données extra-financières en valeur monétaire et leur intégration au pilotage financier sont essentielles pour prendre des décisions éclairées sur les investissements à long terme en faveur de l’environnement. Cela permet de mesurer les impacts financiers de la politique RSE sur le résultat de l’entreprise.
Ce processus permet un alignement de toutes les parties prenantes, sous réserve de trouver le bon équilibre entre complexité, réalité des chiffres et pragmatisme. Il exige souvent en parallèle, un suivi attentif d’indicateurs plus concrets et opérationnels.
L’extra-financier doit être orchestré par les financiers
La direction financière doit piloter cette performance augmentée pour diverses raisons. La première est que l’indicateur retenu est un indicateur financier. En second lieu, les directions financières ont un regard rigoureux, systémique et impartial, ce qui est idéal sur ce sujet dont le système de pilotage reste à construire et se veut spécifique à chaque entreprise. L’exigence sur la précision des chiffres et la fréquence de suivi doit être aussi forte que pour le pilotage financier. En outre, la performance est un sujet de direction générale, stratégique, transverse à toute l’entreprise. En copilote de la direction générale, la direction financière est assurément la fonction la mieux placée pour porter cette responsabilité.
Le CFO devient alors un CVO ou Chief Value Officer, mais pour cette mission, il ne peut agir seul. Il sera le chef d’orchestre d’un écosystème comprenant trois autres compétences clés : les experts pour la vision scientifique et technique sur les sujets environnementaux et sociétaux, les responsables métiers et les opérationnels qui mettront en oeuvre le pilotage de manière pragmatique, et bien sûr, les DSI, acteurs majeurs de cette transformation où les données sont au coeur du dispositif.
Changement de paradigme, travail sur les données et expérimentation
Pour réaliser ce changement, une volonté forte et un soutien affirmé de la direction générale sont des prérequis essentiels. Intégrer des éléments non financiers dans les outils financiers transforme radicalement la perception de la performance de l’entreprise et la valeur du résultat. Un EBIT historiquement positif peut rapidement basculer dans le rouge, tandis que l’évolution de la comptabilisation des actifs impacte le bilan de l’entreprise. Le regard sur la performance est modifié et l’image de l’entreprise impactée. Le travail sur les données est crucial : identifier celles à collecter, s’assurer de leur complétude, automatiser leur extraction, garantir leur intégrité et les transformer en données financières.
Cette transformation s’opère par étapes, avec des expérimentations, des tests et un apprentissage continu. Commencer par un projet pilote avec une équipe engagée est un élément clé de succès. C’est une démarche complexe, qui ne se fait pas « à la marge ». Il faut construire un véritable projet et y dédier des ressources qui devront être sensibilisées, formées et accompagnées pour garantir la réussite du projet.
La mise en place d’un tel dispositif modifie fondamentalement la perception de la performance de l’entreprise, favorisant une meilleure prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux, dans une vision moyen et long terme. Il encourage également à repenser le modèle économique et les interactions de l’entreprise avec son écosystème, tout en favorisant la cohésion des équipes et tout particulièrement leur alignement sur la stratégie environnementale.
Les entreprises doivent aujourd’hui porter un regard performance augmenté sur leur activité, en intégrant des critères extra-financiers au suivi économique. Ce nouveau regard est essentiel pour leur survie à moyen et long terme, et il convient de se doter d’outils qui permettent de le piloter. L’ensemble des dimensions à suivre étant hétérogènes, tant d’un point de vue métrique que d’un point de vue maturité, l’unité de mesure commune à considérer est l’unité financière. Les outils sont à développer en spécifique à chaque entreprise, car il n’existe pas aujourd’hui de solution universelle qui puisse être commune à tous les secteurs d’activité. La finance, garante des résultats, doit co-piloter ces nouveaux éléments en intégrant cette dimension de performance multidimensionnelle.