Quelles ruptures technologiques pour le transport public à l’horizon 2035 ?
Un article de Pierre Liger, partner TNP paru dans le livre blanc « La mobilité en 2035 »
Le transport représente 31 % des émissions de gaz à effet de serre, mais si l’on considère uniquement la part du transport ferroviaire, l’image est plus vertueuse. Mais il faut garder à l’esprit que le transport routier, automobile, qui représente l’essentiel des émissions est dans un processus majeur de décarbonation grâce aux technologies de l’hydrogène, de la batterie. D’ici 2035, le transport public, ferré et bus, doit donc accélérer sa révolution technologique pour rester dans la course des basses émissions de GES. Quelles sont les ruptures qui nous attendent, et dans quelle mesure vont-elles remodeler le transport public ?
Vers des trains totalement décarbonés ?
Décarboner le transport ferroviaire, c’est l’ambition affichée en 2035 par l’opérateur national, la SNCF.
Sur les lignes électrifiées, qui représentent 55 % des lignes, mais 80 % du trafic, l’objectif est de consommer moins. Le nouveau TGV, appelé TGV M, TGV nouvelle génération, qui entrera en service d’ici fin 2024 propose déjà 20 % de réduction de consommation, grâce à un aérodynamisme revu, mais aussi au renvoi d’énergie vers la caténaire lors du freinage. Le développement de l’écoconduite va également permettre d’améliorer le bilan. Le remplacement des rames actuelles ne sera pas achevé en 2035, c’est donc bien le TGV M qui roulera à cet horizon. La vitesse commerciale évoluera probablement peu, car en dépassant les vitesses actuelles des TGV, l’usure du rail est fortement accélérée.
D’autres technologies plus en ruptures sont en cours d’expérimentation. Au Japon, le Maglev est un train à sustentation magnétique dépassant les 600 km/h à l’aide d’électro-aimants supraconducteurs. Les premiers essais étant concluant, ces trains devraient entrer en exploitation commerciale en 2027. Tout comme l’Hyperloop, ces technologies avant-gardistes nécessitent de construire des infrastructures dédiées très couteuses. Pour cette raison, elles ne sont pas à l’ordre du jour en France.
Sur les 45 % de lignes non électrifiées, les trains diesel devraient céder le pas à d’autres énergies telles que l’hydrogène et les trains à batterie. En effet, électrifier ces lignes où circulent peu de trains n’est pas rentable. En Allemagne, Alstom a fait circuler en exploitation commerciale ses premiers trains à hydrogène. Ils présentent également l’intérêt d’être plus silencieux que les trains diesels, et sont dotés d’une plus grande autonomie que les trains à batterie. Quatre régions françaises en ont déjà commandé 12 exemplaires sous forme de trains bi-mode : fonctionnement en électrique quand il y a des catenaires, hydrogène sur le reste du réseau. Certes, le nombre de trains à hydrogène est encore réduit, mais gageons que d’ici 2035, avec la réduction de coûts en passant à l’échelle, leur part du trafic augmentera fortement.
Vers des trains autonomes ?
L’autre grande innovation dans le domaine du ferroviaire est l’avènement du train autonome. Il permettra une plus grande ponctualité, un trafic plus fluide et une réduction de la consommation.
L’ATO (Automatic Train Operation) assurera une conduite plus ou moins automatisée selon le niveau d’automatisation (4 niveaux de « Grade of Automation » existent). Si les métros atteignent le niveau le plus élevé, les trains de ligne n’en sont qu’au début.
Des prototypes circulent déjà en France, Allemagne, Pays-Bas, pour le fret et les trains régionaux de voyageurs. L’automatisation sera obtenue progressivement : d’abord l’accélération et le freinage, puis progressivement la conduite complète. La détection des obstacles, la prise de décision en cas d’obstacles et la lecture de la signalisation latérale sont de vrais défis ! Pour des raisons de sécurité, le conducteur devrait être présent à bord dans les trains de voyageurs pendant encore longtemps.
Avant d’être généralisés, ces prototypes doivent démontrer que la sécurité est pleinement assurée, et qu’ils ne peuvent pas être piratés informatiquement. En effet, ces trains peuvent être conduits à distance, comme c’est le cas sur les lignes 14 et 1 du métro parisien.
Vers des trains ultra-connectés ?
C’est une révolution moins visible, mais technologique- ment importante : les trains, trams et bus de demain seront largement équipés d’IOT (objets connectés) pour remonter toutes les informations opérationnelles et favoriser la maintenance prédictive. Dans le fret ferroviaire, les capteurs vont se généraliser pour contrôler les chargements : humidité, température, géolocalisation précise, etc… Les clients pourront suivre précisément leur marchandise et éviter les ruptures de charge. Le transport combiné devrait fortement se développer pour doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 passant de 9 % à 18 %. On peut d’ores et déjà constater le développement des terminaux de transport com- binés qui automatisent les transbordements, mais qui dans le même temps commencent aussi à digitaliser les essais de freins, la formation des convois, le triage des wagons…
Vers un transport urbain remodelé ?
Déjà en 2025, la RATP aura converti ses centres bus à l’élec- trique ou au gaz (bio GNV) pour accueillir des bus plus propres. Les bus à hydrogène connaissent aussi une forte croissance : plus d’une cinquantaine de collectivités ont des projets de bus à hydrogène pour un millier de bus d’ici à 2030.
Comme dans le ferroviaire, les bus autonomes, actuellement à l’essai en région parisienne avec la ligne 393, devraient trans- porter bientôt des voyageurs et se généraliser progressive- ment. Les bus à haut niveau de services, roulant rapidement sur des voies dédiées, seront des candidats privilégiés pour l’autonomie, comme l’attestent certaines réalisations en Chine.
La technologie va aussi impacter les services : l’information voyageurs à bord des bus va être modernisée, personnalisée pour chaque voyageur, et multimodale. Ainsi, les bus et trams pourront reconnaître les voyageurs et leur donner l’in- formation la plus pertinente pour leur voyage : par exemple où monter en cas d’affluence, prévenir le voyageur quand il faut descendre, le guider dans les correspondances, réserver automatiquement un vélo si besoin en estimant à tout moment le temps restant. Finalement, le voyageur sera guidé durant tout son voyage. Une révolution !
Mais des projets encore plus novateurs nous attendent aussi. Les JO 2024 ont effectivement donné un coup d’accélérateur à des navettes aériennes et fluviales dans Paris pour faire scintiller l’image de la ville lumière à travers le monde. Ces projets vont-ils se généraliser à l’horizon 2035, c’est toute la question….