Transport ferroviaire : une innovation et une transformation nécessaire de l’infrastructure
Un article de Johann Valelorge, manager senior, TNP paru dans le livre blanc « La mobilité en 2035 »
La décarbonation du secteur des transports, responsable de la plus grande part des émissions de gaz au niveau européen, est indispensable pour atteindre les objectifs de neutralité climatique d’ici 2050. De son côté, le gouvernement français, par la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), a clairement marqué sa volonté d’améliorer les différents modes de transport quotidien, de soutenir le secteur ferroviaire et de s’engager dans une modernisation complète du réseau ferroviaire français. Cela doit permettre au train d’affirmer son rôle central dans la relance durable de l’économie française.
Avec un âge moyen de plus de 30 ans, l’état vieillissant de l’infrastructure ferroviaire est inadapté à l’ensemble de ces enjeux. Pour atteindre ses objectifs climatiques, répondre à la demande croissante de mobilité et surtout trouver une solution aux problèmes de congestion attendus sur différents axes ferroviaires, il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur l’état de l’infrastructure ferroviaire française et sur les mesures à mettre en place.
La modernisation du réseau ferroviaire français devra prendre en considération dans un premier temps le lien existant entre les circulations quotidiennes des voyageurs et des marchandises ainsi que les travaux nécessaires pour y parvenir.
Une concurrence entre le transport de voyageurs et le fret à résorber
En France, le transport ferroviaire des marchandises, qui re- présentait 56 % du marché total en 1960, a perdu une grande part du marché au profit du transport routier. Aujourd’hui, il ne concerne plus que 9 % du marché total. En général, la route est considérée plus facile et plus accessible pour la desserte de l’ensemble du territoire que le mode ferroviaire. Le trans- port routier est reconnu principalement pour sa ponctualité et sa réactivité pour faire face aux demandes urgentes du marché. Au contraire, la capacité d’accès à l’infrastructure ferroviaire et au système actuel de commande et réservation des sillons de SNCF Réseau est considéré par les opérateurs de fret comme trop rigide. Cette différence entre les deux modes est ce qui empêche actuellement le fret ferroviaire de pouvoir accroitre son attractivité et son pouvoir concurrentiel.
De plus, la France ne dispose pas de lignes strictement dédiées au fret, ce qui entraine l’utilisation des mêmes lignes pour plusieurs fonctions, créant une certaine concurrence avec les trains consacrés aux voyageurs. Le taux brut de sillons/jour attribués au transport des marchandises est ainsi considérablement inférieur à celui des voyageurs (66 % contre 89 %) et continue à régresser chaque année.
Ce conflit entre le transport des marchandises, le transport des voyageurs et les travaux d’infrastructure qui se font pour une grande partie durant la nuit, nécessite une mise en œuvre de nouvelles mesures. Ce constat est d’autant plus vrai dans des régions comme l’Île-de-France, région où le risque de saturation des réseaux est fortement élevé.
SNCF Réseau s’est donc engagée dans un plan de régularisation et de remise en état des voies au niveau national, dans le but de supprimer les voies inutilisées et de rénover celles qui sont nécessaires à la mise en place de nouveaux plans de transport ferroviaire. Cela doit permettre d’améliorer l’expérience voyageur d’une part et un renforcement des activités du transport des marchandises de l’autre.
De même, le développement des nouveaux points d’accès au réseau et l’amélioration de la connaissance des acteurs du transport des marchandises et de la logistique sur ces points d’accès constituent des éléments importants dans la stratégie de développement du réseau. L’État s’est engagé dans un plan de développement du fret ferroviaire annuel avec un investissement à hauteur de 1 000 milliards d’euros… Ce plan vise à doubler le pourcentage du transport ferroviaire d’ici 2030.
De nouvelles propositions pour renforcer l’offre ferroviaire
Dans ce cadre, l’État s’est donné aussi l’objectif d’augmenter progressivement le gabarit de plusieurs axes de transport de marchandises, dans le but de permettre à de nouveaux services de longues distances de s’y installer notamment sur les axes Atlantiques : Dijon-Paris, Rhin, Centre Europe Atlantique et Alpin.
D’un point de vue passager, grâce à une nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, le trajet s’effectuera en un maximum de deux heures contre plus de quatre heures avant. Cette ligne figure parmi les grands projets ferroviaires prioritaires de l’Union européenne dans le cadre d’un développement global du réseau transeuropéen de transport.
Dans le même type d’investissement, la mise en service du Charles de Gaulle Express, la nouvelle liaison entre gare de l’Est et l’Aéroport Charles de Gaulle, permettra de créer une solution adaptée aux besoins des passagers aériens de la région et aidera à atteindre l’objectif de report modal routier fixé à 40 % en comparaison avec son niveau actuel de 56 %.
Pour atteindre les objectifs fixés, les nouveaux investissements devront couvrir non seulement le développement de nouvelles infrastructures mais aussi permettre des adaptations importantes au niveau des infrastructures existantes,
La création de voies de circulation additionnelles, les voies d’évitements, permettront à certains trains de se faire dépasser par d’autres et limiteront ainsi les perturbations sur les lignes les plus sollicitées.
Une mobilisation des territoires pour favoriser le développement du ferroviaire
Selon la loi française, les infrastructures ferroviaires relèvent uniquement de l’État. Celui-ci encadre l’activité de SNCF Réseau principal garant du secteur ferroviaire au niveau national et rend sa liberté décisionnelle stratégique très limitée.
Ainsi, plusieurs désaccords ont eu lieu entre la SNCF et les différentes régions françaises qui souhaitent plus d’autonomie dans la gestion des projets ferroviaires régionaux. L’association des régions de France s’est donc lancée depuis quelques années dans une étude visant à la création d’une structure d’achats groupés pour l’acquisition de matériel roulant afin de minimiser le pouvoir décisionnel de la SNCF et augmenter l’autonomie des régions.
Différentes régions françaises ont ainsi connu une augmentation de leur pouvoir d’influence dans la gestion des transports sur leur territoire, ce qui leur a permis d’investir dans des projets de modernisation et d’élargissement du réseau ferroviaire que ce soit pour les voyageurs ou les marchandises.
En définitive, le réseau d’infrastructure ferroviaire français constitue un patrimoine national de valeur et un atout important dans le développement urbain et économique des territoires.
Cependant, ce réseau se trouve dans un état dégradé et particulièrement ancien pour sa plus grande partie, nécessitant d’être modernisé et développé pour s’adapter aux besoins et attentes des différents territoires français. De même, la modernisation du service nécessite des actions fortes en matière d’amélioration de la qualité de la réponse au client afin de correspondre aux différents enjeux et spécificités de chaque région.
Ceci exige des investissements continus ainsi qu’une stratégie nationale harmonisée. Il s’agit de penser et de mettre en place un véritable plan de transformation de l’infrastructure ferroviaire pour répondre aux besoins du transport des passagers et des marchandises. Le ferroviaire deviendra alors un mode de transport attractif, fiable et compétitif, et s’imposera comme une vraie alternative verte décarbonée favorisant ainsi la lutte contre le réchauffement climatique.