COVID 19 : impacts et opportunités pour le transport ferroviaire
« La SNCF sera prête, bien sûr ». Cette annonce du PDG de la SNCF Jean Pierre Farandou se veut rassurante à l’approche des fêtes de Noël. À l’aube d’un déconfinement (au moins partiel), le mois de décembre s’annonce décisif pour relancer l’activité des opérateurs de transports, toujours en berne depuis le premier confinement.
IMPACTS SUR LE TRANSPORT
La sédentarisation à domicile de l’économie tertiaire a des répercussions lourdes sur l’industrie du transport. Les entreprises automobiles voient leurs résultats s’effondrer et ferment leurs usines pour tenter de réduire des déficits abyssaux (pertes de 7 milliards d’euros chez Renault, 1,4 milliard d’euros chez Volkswagen, etc.), tandis que le secteur aérien encaisse le plus gros choc de son histoire (entre – 65 et – 70% de trafic chez ADP en 2020), alors qu’il semblait encore loin d’avoir atteint son apogée en début d’année.
Le transport ferroviaire a quant à lui enregistré au premier semestre 2020 des baisses de CA de 7% à la RATP et 21% à la SNCF soit 220 millions et 4 milliards d’euros. Malgré une reprise plus encourageante que sur les marchés automobiles et aériens, RATP et SNCF ne sont pas parvenus à retrouver leurs niveaux de 2019 et plafonnaient à 70% de fréquentation avant le deuxième confinement.
Les grands gagnants de la pandémie sont les mobilités dites « douces » : vélos, trottinettes, monocycles, qui ont tous vu apparaitre leur pendant électrique permettant même aux moins sportifs de les utiliser facilement. Ces modes de transports en plein air rassurent face aux risques de contamination et bénéficient de l’explosion des pistes cyclables dans les grandes villes, rendant leur utilisation moins dangereuse que par le passé.
LE PLAN DE RELANCE
Face à la crise économique, le plan de relance du gouvernement donne la part belle au transport, avec une enveloppe de 11 milliards d’euros dont 4,7 pour le transport ferroviaire (4 milliards pour la SNCF et 700 millions pour la RATP).
Cette aide permettra aux opérateurs de combler une partie de leurs déficits et de poursuivre les immenses chantiers de modernisation et d’agrandissement des infrastructures en cours avec une attention particulière pour la modernisation du fret, la sauvegarde des petites lignes et la remise en route des trains de nuit.
Ces investissements salutaires pour les opérateurs ferroviaires risquent néanmoins d’être peu profitables si la demande ne retrouve pas son niveau de début d’année. Investir dans les petites lignes, déjà largement déficitaires, ou un Grand Paris avec 30% de voyageurs en moins pourrait s’avérer contreproductif pour la reprise et extrêmement couteux.
LA PEUR DE LA CONTAMINATION
Or, malgré une période de déconfinement de près de cinq mois et un deuxième confinement très allégé, la demande ne repart pas et est loin de retrouver les bons niveaux de 2019.
En cause, la peur de la contamination due à la proximité des voyageurs, inerrante aux transports en communs. Cette peur n’est pourtant pas tout à fait rationnelle puisque les transports (avion, bateau et train) représentent moins de 1% des contaminations COVID depuis le 9 mai, avec seulement 23 cas recensés.
Le port du masque est strictement respecté et la RATP et la SNCF ont pris de nombreuses mesures telles que la mise à disposition de gels hydroalcoolique à chaque arrêt de bus, la suppression d’un siège sur deux, le renforcement des nettoyages des trains et des bus… mais en vain : la peur liée à la promiscuité est trop forte et les photos sur les réseaux de la ligne 13 bondée suite à un incident ont eu des effets dévastateurs sur l’opinion.
LE CHEMIN DE LA CROISSANCE
Les opérateurs ont réagi avec d’importants renforts de communication centrés sur des offres promotionnelles exceptionnelles pour relancer la demande. Néanmoins, les voyageurs inquiétés par le risque de contamination seraient certainement plus sensibles aux communications sur le faible taux de contamination dans les transports et les nombreuses mesures mises en place pour protéger les voyageurs. L’explosion de l’utilisation des réseaux sociaux pendant la crise (+32% en France) est une opportunité pour toucher une large audience et contrer la désinformation qui circule sur ces canaux.
La transformation digitale est au cœur des enjeux de cette crise : la généralisation du Wifi dans les gares ou la 4G dans le métro parisien sont par exemple des atouts pour le transport ferroviaire et permettent au voyageur de poursuivre son activité même en déplacement.
Les applications de transports sont également au centre de la bataille de la mobilité.
RATP et SNCF doivent, pour rester dans la course, proposer des plateformes de plus en plus multimodales permettant de faire des trajets porte à porte optimisés, en intégrant notamment les mobilités douces. Le transport de demain ne sera pas à vélo, en train ou en véhicule électrique, mais c’est la combinaison de ces modes de transports qui permettra de répondre aux nouveaux enjeux d’une mobilité, plus verte, plus sure, et plus efficace.
Si le confinement partiel et le télétravail rendent impossible un retour à 100% de fréquentation dans les prochains mois, il reste une part importante de voyageurs à capter, d’autant que l’hiver découragera certainement une partie des nouveaux adeptes des mobilités douces.
Pour les voyages longues distances, la SNCF bénéficie d’une opportunité sans précédent, la suppression des lignes aériennes intérieures en France, là où existe une alternative en train en moins de deux heures et demie, qui devrait s’appliquer à toutes les compagnies.
Le phénomène du « plane bashing » prend également de l’ampleur et ce malgré les communications des compagnies aériennes, brandissant des consommations de 3 litres au 100 par voyageur (pour un A380 complet). Si ces chiffres peuvent sembler raisonnables, le train reste 60 fois moins polluant à capacité de transport égale et dispose donc d’un avantage considérable en cette période de chasse aux émissions de CO2.
Malgré ces temps troubles et incertains, les bouleversements que nous connaissons pourraient permettre à la RATP et la SNCF de capter à moyen terme de nouveaux viviers de voyageurs et de retrouver le chemin de la croissance. Mais il s’agit de ne pas rater ces occasions et d’être en capacité de répondre à ces futures hausses de la demande, sous peine de voir ces voyageurs investir dans d’autres moyens de transports et tourner le dos durablement au transport ferroviaire.