Digitalisation, risque cyber… sous pression, le secteur français de la finance innove
La digitalisation, l’apparition des fintech et la multiplication des cybermenaces ont entraîné une prise de conscience des acteurs bancaires et un changement de pratiques dans la gestion et la protection de l’information.
Contraction de “finance” et “technologie”, l’arrivée des entreprises dites fintech a profondément bouleversé les pratiques en cours dans le secteur bancaire. La France jouit d’un écosystème relativement performant avec un nombre croissant d’entreprises mêlant habilement technologie et finance. Elle se situe 4e rang européen en nombre d’opérations de financement bouclées (8% du total européen). Sans compter les nombreux incubateurs qui voient le jour pour dynamiser le secteur comme Swave. Malgré cela, ces “pépites” restent encore peu connues par les Français et jouissent d’un déficit de notoriété. 5% seulement utilisent le conseil automatisé en investissement, connu par 25% de la population.
EN 2000, L’HEURE N’ÉTAIT PAS À LA MODERNISATION
Une autre technologie, révolutionnaire en son temps, a connu le même sort, demeurant dans l’ombre du grand public avant d’être finalement plébiscitée, après 20 ans d’existence : l’eBAM. L’electronic bank account management est une technologie de numérisation de la gestion des pouvoirs et comptes bancaires. Elle sert à réduire les processus administratifs et les risques opérationnels et financiers. Inventé par le réseau interbancaire SWIFT (Society for worldwide interbank financial telecommunication) dans les années 2000, cette technologie pourtant novatrice a eu du mal à percer auprès des grandes banques. L’automatisation des tâches permet de réduire les erreurs, la perte d’informations, les fuites de données et les risques financiers, le tout au sein d’un espace totalement sécurisé, chiffré et, surtout, traçable. En effet, l’eBAM garantit l’authenticité du donneur d’ordre puisqu’il permet de visualiser l’ensemble des pouvoirs bancaires.
En France, la solution s’est déployée grâce à la collaboration entre banques, éditeurs de logiciels et corporates. Avec la recrudescence des arnaques et autres fraudes au président, le marché a compris l’intérêt de l’eBAM et les actions visant à accélérer son développement se sont multipliées. Des associations comme l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) promeuvent le recours à des fintech pour faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises pour faire face à la dégradation de la trésorerie des grandes entreprises et des ETI françaises, en partie en raison des nouvelles obligations réglementaires.
En tout, il aura fallu près d’une vingtaine d’années à la technologie eBAM pour véritablement percer. Deux décennies pour faire accepter aux banques et grandes entreprises une norme pourtant plébiscitée.
FINTECH : INNOVATIONS EN SÉRIE
Aujourd’hui, les offres industrielles d’eBAM fleurissent, comme celle lancée en mars 2018 “eBAM Gestion des Pouvoirs” par la Société Générale en version 1, ou celle de la société éditrice de logiciels de gouvernance DiliTrust, “DiliTrust eBAM”, l’une des rares solutions en version 2 disponibles en France. Cette nouvelle mouture de l’eBAM est considérée comme plus stable et plus efficace que l’eBAM première génération. D’après SWIFT, la version 2 a harmonisé les procédures de gestion de compte et de réalisation de paiements pour faciliter l’utilisation de la norme ISO et des règles afférentes. Des mandats à des niveaux micro et macro sont désormais définissables.
En somme, le temps n’est plus à l’immobilisme. Sous la pression conjointe d’une digitalisation menée tambour battant et de la nécessité de se protéger face à aux cyberattaques, le secteur bancaire innove.
Libérées, les banques françaises et européennes semblent vouloir rattraper le temps perdu en acquérant à tour de bras des jeunes pousses qui allient technologie et finance. Pour défendre leurs intérêts, elles font ainsi front commun avec ces nouveaux trublions de la finance. Les fintech représentent désormais un concurrent sérieux pour les mastodontes du secteur, grâce à leurs expériences utilisateurs léchées, leurs facilités d’emploi et leur efficacité. Le big data permet de mieux connaître ses clients, de gérer intelligemment les risques et de détecter automatiquement les fraudes. Parmi les solutions françaises innovantes on retrouve Alphametry, qui facilite la gestion de la recherche en investissement, IndiceA pour la prévision d’indices boursiers ou encore InfoTrie, pour structurer l’information grâce à son algorithme afin d’offrir des données d’analyse prédictive. En gestion des risques technologiques des solutions existent comme Scaled Risk, qui permet de centraliser, gérer et analyser toutes les données des applications critiques. La relation client est également impactée par l’arrivée des fintech. Afin de séduire les générations Y et Z, tout est repensé et digitalisé. Accessibilité et instantanéité ont pris le dessus.
CONTEXTE FAVORABLE
Outre les fintech, des technologies “ouvertes” comme la blockchain ou les smart contracts promettent une évolution de la gestion de l’information dans le secteur financier. Afin d’éviter de se faire uberiser par la désintermédiation inhérente aux transferts de crypto-monnaies décentralisées, les entreprises financières ont vite compris l’intérêt de s’approprier ces technologies pour se mettre à niveau.
Le projet Madre, mené par la Banque de France accompagnée par la start-up Blockchain Partner et en collaboration avec la Caisse des Dépôts et Consignations et plusieurs groupes bancaires français est un bon exemple de l’application de la blockchain dans le milieu bancaire. L’objectif est donc d’automatiser et sécuriser la gestion des identifiants créanciers SEPA grâce à la blockchain. En plus, si cette technologie tient ses promesses, elle devrait permettre de se prémunir du risque cyber qui est selon Laurent Mignon, nouveau patron de BPCE, “le risque systémique pour le système bancaire”. En effet, dans un monde interconnecté et ouvert, dans lequel les acteurs se livrent à une course à la digitalisation effrénée, le véritable avantage concurrentiel sera celui de la protection de l’information et des données sensibles.