Finance durable : défi réglementaire ou opportunité pour l’Europe ?

IAB Guillaume

Un article de Guillaume Cazauran, vice-président, CRSF, paru dans le livre blanc « Comment relancer une économie durable ? »

 

Le Cercle de la Régulation et Supervision Financières (CRSF) s’est intéressé récemment au rôle de la sphère financière dans le verdissement de l’économie et à la régulation en faveur d’une finance durable en cours d’élaboration en Europe.

Si le verdissement des appareils de production des biens matériels est le plus efficace des leviers pour lutter contre le réchauffement climatique et la dégradation de notre planète, la finance a un rôle clé dans cette lutte, pour accompagner les acteurs économiques dans leur transition et financer les investissements nécessaires. La sphère financière en a pleinement conscience, est déjà très active, notamment en France, depuis la signature des Accords de Paris en 2015, et multiplie les réflexions, tests, exigences, contraintes en vue de réorienter les financements en faveur d’une économie verte.

Un état des lieux sur le foisonnement des initiatives des instances internationales financières et des régulateurs et superviseurs en matière de finance durable s’impose à la fois pour mesurer l’ampleur de la tâche et s’interroger sur les risques qu’il comporte pour l’industrie financière européenne dans le contexte concurrentiel mondial.

 

L’Europe accentue son « leadership » dans la finance durable

L’Union Européenne a intégré les enjeux environnementaux depuis plusieurs années déjà, et en a fait l’une des principales priorités de la Commission élue en 2019. Ainsi, l’Europe a aujourd’hui un leadership reconnu sur les sujets ESG, que ce soit sur les aspects réglementaires ou sur les aspects de financement. L’Europe continue à accélérer actuellement dans plusieurs directions à la fois : la transparence, la création d’un nouveau risque de durabilité, la taxonomie des activités soutenables et l’apparition de nouveaux ratios, ainsi que l’intégration d’indicateurs ESG dans le volet publication des règles prudentielles (le Pilier3). L’EBA, l’ACPR, et bientôt la BCE développent des méthodologies d’analyse de scénarios climatiques, visant à estimer la vulnérabilité des bilans bancaires (dans le cas de l’ACPR, des assurances) au risque physique et au risque de transition.

 

L’obligation de transparence et une approche originale du risque notamment environnemental

La régulation européenne encadrant la publication dans la transparence de la contribution du secteur marchand au verdissement de l’économie avance à grands pas et constitue d’ores et déjà une gageure pour l’ensemble de ses acteurs et particulièrement pour le secteur financier.

La démarche européenne conduisant vers une finance dite ESG (environnement, social, gouvernance) est structurée et touche tous les acteurs de l’économie. Elle porte évidemment sur les obligations d’information que toutes les entreprises de taille significative devront respecter et sur la codification et normalisation de ces informations dans son volet taxonomie.

 

  • NFRD

Au niveau européen, la directive 2014/95/UE sur le reporting extra-financier (« NFRD» pour Non-Financial Reporting Directive), rend obligatoire la production d’un reporting extra-financier sur le caractère durable des activités. En France, ces obligations sont applicables à partir des rapports de gestion publiés en 2017 pour l’année 2016. Les informations demandées à ce stade sont largement inspirées de la norme internationale définie par le FSB dans le cadre de sa « Taskforce for Climate Financial Disclosure », et concernent les sociétés de plus de 500 salariés.

 

  • SFDR

Les textes de niveau 2, les « RTS » ( Regulatory Technical Standards ) qui précisent le règlement européen (UE) 2019/2088 (UE) dit Sustainable Finance Disclosure («SFDR») viennent d’être publiés en février 2021 par l’EBA, l’EIOPA et l’ESMA formant la version finale du cadre technique de cette réglementation visant les entités de gestion et conseillers financiers et leurs produits. L’homogénéisation de l’information relative au degré de durabilité des produits financiers était en effet une nécessité pour assurer la transparence et la régulation de la concurrence. Cependant, on attendait les détails et « le diable est là ».

À l’instar de ce qui s’est passé pour MIFID2, non seulement les précisions apportées rendent difficile et coûteuse la mise en œuvre de la réglementation mais il est suggéré une mise en conformité immédiate (publication en février 2021 pour une application en mars 2021). Les établissements se sont conformés dans l’urgence à ces exigences, principalement qualitatives à ce stade.

L’article 2 de la directive introduit un nouveau risque financier, le risque de durabilité. Il s’agit d’un « événement ou une situation dans le domaine environnemental, social ou de la gouvernance qui, s’il survient, pourrait avoir une incidence négative importante, réelle ou potentielle, sur la valeur de l’investissement ». On parle d’approche dite « Outside/In » qui consiste à essayer d’anticiper le risque de dévalorisation des actifs d’un portefeuille du fait d’un événement ESG. Il n’est pas précisé par les RTS et compliqué à évaluer (recensement, faits déclencheurs des risques, actifs impactés, méthodologie d’évaluation…)

Un autre point important du règlement réside dans la création de la notion de « PAI » (Principal Adverse sustainability Impacts), les principales incidences négatives en matière de durabilité. Cette fois le régulateur cherche à mesurer les incidences sur la biosphère et la noosphère des décisions des investisseurs institutionnels. On parle d’approche « Inside/out ».

Les RTS sont venus préciser les 18 indicateurs de risque de durabilité et leurs métriques associées regroupés en 8 thématiques. Au-delà de leurs nombres, l’exigence d’analyse de passage d’une année sur l’autre sur des données encore parcellaires (intensité carbone, intensité de consommation d’énergie…) et sur des indicateurs qui souvent n’ont de sens qu’au niveau entreprise ou secteur rend difficile l’interprétation de leurs évolutions et l’intérêt de leur mesure dans une approche portefeuille.

Les calculs nécessitent de nombreuses données très peu présentes dans les systèmes d’information de l’industrie de la Gestion au sens large. En synthèse, la directive SFDR, à elle seule, constitue un défi pour l’industrie financière européenne.

 

 La taxonomie et de nouveaux ratios

La mise en place d’une taxonomie environnementale est rentrée dans une phase pratique de mise en œuvre avec la publication par l’ESMA, l’EBA et l’EIOPA le 1er mars 2021 des réponses à l’enquête des 3 ESA’s (Autorités de Supervision Européennes) concernant la taxonomie exclusivement environnementale visée par l’article 8 du règlement européen 2020/852. L’ESMA demande aux entreprises non financières de calculer 3 indicateurs clés de leur transition vers des activités durables : la proportion de CA « durable », les investissements dans les activités durables (Capex) et les charges associées (Opex). Les 6 objectifs de l’article 9 de la Directive servent de critères du caractère durable de l’activité d’une entreprise et donc de clé de calcul. Janvier 2022 et 2023 sont les dates limites de démarrage des publications.

Le Ratio d’Actifs Verts (RAV), Green Asset Ratio (GAR) constitue la principale innovation apportée par l’EBA pour les banques. Au numérateur, la part des prêts et avances, titres de créance et participations, garanties accordées à des contreparties atteignant les niveaux requis de durabilité environnementale de la Régulation, au dénominateur, le total bilan et hors bilan des mêmes instruments. Les contrats avec la clientèle de détail sont également concernés. Un RAV global pour tous les objectifs confondus et un RAV par objectif.

Le Ratio d’Actifs Verts (RAV) pourrait devenir un indicateur clé du verdissement de l’économie car les actifs des banques sont un très bon indice de son évolution. Il constitue potentiellement la clé de voûte des travaux de l’EBA mais aussi de l’ESMA car il se nourrit des publications des entreprises et notamment du ratio de CA « durable ». Dans un premier temps, il a vocation à être très faible, reflétant le chemin à parcourir, mais aussi la difficulté à obtenir les données permettant de l’alimenter. Un rapport de l’EBA l’estime à 7,9%, sur un périmètre pourtant restreint (hors PME, hors crédits aux particuliers, etc…). Même sur ce périmètre de crédits aux grandes entreprises, l’EBA note que seules 17% des expositions pouvaient être analysées sur la base de données précises, le reste devant faire l’objet d’approximation, en appliquant notamment des niveaux d’émission moyens par secteur, ce qui évidemment ne permet pas de différencier les sociétés au sein d’un même secteur en fonction de leur performance énergétique.

On peut penser que le ratio final, sur un périmètre plus complet, mais sur lequel la disponibilité des données sera par construction plus aléatoire, sera encore plus faible, voire proche de zéro, ce qui posera un problème majeur d’interprétation du résultat par les utilisateurs, en totale contradiction avec les engagements pris, réels et sérieusement pilotés, par les banques de verdissement de leurs portefeuilles, notamment dans le cadre de la «Net Zero Banking Alliance».

On regrettera, comme l’EBA d’ailleurs, que les créances sur les états et sur les banques centrales ne soient pas prises en compte ne serait-ce que pour leur part dans les actifs des banques et pour l’impact sur les politiques de certains états que leur prise en compte pourrait avoir.

L’EBA reconnaît l’importance du travail de collecte d’informations facilité, il est vrai, en Europe par NFRD et ouvre la porte à des approximations « best effort » pour calculer les expositions sur des contreparties étrangères et notamment pour les groupes bancaires ayant des filiales et succursales hors d’Europe. Le CRSF note une fois de plus la pusillanimité des régulateurs européens à l’exportation de leur régulation (notion d’extra-territorialité) et regrette cette décision. La FED aurait demandé les mêmes informations sur les contreparties hors US et aurait sanctionné sans états d’âme les banques n’ayant pas réussi à les obtenir.

 

L’inclusion de critères ESG dans le pilier 3 de la réglementation prudentielle

L’EBA a publié également le 1er mars 2021 une consultation visant à préciser les conditions de mise en œuvre de la publication d’informations concernant les risques ESG (pilier3 de Capital Requirements Regulation, «CRR», qui détaille l’information relative aux risques des banques, article 449a). Ces travaux s’appuient sur la taxonomie et se basent notamment sur sa décomposition des actifs bancaires et sur le RAV (GAR) et dans leur philosophie se rapprochent de SFDR (outside/in). Les réponses à cette consultation sont attendues avant le 1er juin 2021.

Certains tableaux, comme l’annexe 7, constituent un défi majeur pour la profession bancaire à tel point que l’EBA n’envisage pas d’exiger le tableau 7.2 avant 2024. Cette fois, il s’agit bien de demander aux banques d’évaluer les impacts sur leurs actifs d’événements naturels induits par la dégradation du climat elle-même, conséquence des activités humaines : Impacts de l’augmentation de la température de l’eau, de la fonte du permafrost, de l’accroissement de la vitesse du vent, de la montée des eaux, de l’érosion des côtes, de la dégradation des sols… La distinction entre événements chroniques ou graves est une vraie gageure et n’a jamais été réalisée à cette échelle dans des études universitaires.

Évidemment, l’objectif de ces travaux titanesques consiste dans un premier temps à fournir au marché une transparence poussée sur les risques climatiques dans le bilan des banques, mais aussi à terme à calculer des besoins en fonds propres sur les actifs au titre d’un risque ESG, ce qui est envisagé à l’horizon 2025.

 

APPRÉCIATION CRITIQUE

Si on essaye d’évaluer l’articulation générale des textes, leur conception et leur portée :

  • D’un point de vue pratique, l’EBA avance de manière séquentielle (par rapport à la mise en œuvre de la taxonomie) et coordonnée (avec les autres ESA’s) et prend en compte la difficulté à produire l’information demandée (de fin 2022 à fin 2024 pour le pilier3 pour l’essentiel). Elle accepte le besoin de proportionnalité ainsi que des approximations. Toutefois la notion d’approximation devrait faire l’objet d’un encadrement par les régulateurs pour maintenir la comparabilité et fermer la porte aux critiques de « greenwashing ».
  • D’un point de vue conceptuel, la taxonomie mesure de manière statique le degré d’atteinte aujourd’hui par une entreprise des objectifs de la COP21 alors que les travaux sur le pilier3 ainsi que les exercices de scénarios climatiques cherchent à évaluer la part des activités non durables et l’impact financier potentiel du réchauffement climatique (calcul d’un risque dynamique). Ce qui amène à se poser des questions sur la cohérence générale des textes et sur la portée pratique du Ratio d’Actifs Verts (RAV) qui n’est donc pas un outil de gestion des risques. Ce dernier est demandé en annexe 8 du pilier3 et ne devrait donc pas y figurer.
  • Autrement dit, la charge de calcul des impacts des dérèglements climatiques incombe intégralement, dans sa conception générale, aux banques et investisseurs institutionnels (approche Outside/In) alors que l’ESMA aurait pu, dans la taxonomie, demander aux entreprises non financières de calculer les risques liés au dérèglement climatique. Qui mieux que chaque entreprise peut évaluer les risques climatiques que cette dernière encourt ? Les événements climatiques, trame de l’annexe7 de la réforme du pilier3 de CRR, ne sont pas même cités dans la taxonomie. On aurait pu s’attendre également à une convergence des typologies de risques sur l’approche outside/in entre SFDR et la réforme du pilier3 de CRR.
  • Si on se prend au jeu d’évaluer des charges en capital pour risque ESG, il est évident que le manque de recul statistique devrait inciter à la prudence et à ne prévoir que de simples mentions dans les annexes sans provisionnement comptable et mobilisation de capital.
  • Enfin, on peut se demander si l’Europe se dirige vers la création d’un nouveau risque, le risque ESG, alors que les facteurs environnementaux et sociaux ne sont que des vecteurs comme d’autres de la matérialisation de risques financiers.

Si on tente de mesurer l’effort de mise en conformité que vont devoir fournir les acteurs du secteur financier :

Nous avons souligné ci-dessus à la fois l’empilement des textes européens, l’effort de convergence qui a présidé à leur élaboration mais aussi les incohérences inhérentes certainement à un manque de conception générale et à leur étalement dans le temps.

  • Les banques et investisseurs institutionnels vont devoir fournir l’essentiel de l’effort d’évaluation de l’impact financier des dérèglements climatiques. Ce travail va exiger de manipuler des données peu présentes dans les systèmes d’information, le plus souvent fournies à dire d’expert, non certifiées voire non certifiables. De surcroît, l’évaluation du risque physique inhérent aux dérèglements environnementaux ne fait pas partie des expertises développées à ce jour par le Secteur Financier.
  • En synthèse, les premières réponses du Secteur Financier aux questionnaires de validation des régulateurs font ressortir un doute immense sur la difficulté à se procurer les données et à les interpréter. Les banques qui ont répondu au questionnaire de l’EBA sur la taxonomie ont évalué la difficulté de récupérer les données demandées à 9,6 sur une échelle de 10.
  • Certaines réponses des banques et assureurs à l’EBA et à l’EIOPA mettent en avant, avec beaucoup de bon sens, le besoin de créer une base de données européenne du caractère durable des activités des entreprises, ainsi qu’un processus de certification européen de ces données. De ce point de vue, compte-tenu du caractère stratégique des données et de leur normalisation qui n’est plus à démontrer, le CRSF appelle les autorités européennes à susciter la création d’acteurs interbancaires européens et d’organismes de certification et à contraindre ces acteurs à rester européens du point de vue de leur gouvernance et de leurs moyens s’ils ne sont pas publics.
  • C’est certainement pour toutes ces raisons que l’exercice de stress test climatique, dont les résultats sont disponibles depuis fin avril 2021, permet de préciser l’ampleur du défi qui attend le Secteur Financier. D’ores et déjà un succès pour l’excellence de la collaboration de l’ACPR avec les banques, l’exercice montre qu’une approche par secteur est pertinente et que les calculs ne peuvent être qu’incertains, ce qui limite leur utilisation potentielle que ce soit pour les portefeuilles de crédit ou de marché.

Les textes réglementaires européens actuels encadrant la transition vers une finance durable constituent donc bien une sorte de big bang réglementaire.

 

CONTEXTUALISATION MONDIALE

La prolifération à un niveau mondial des initiatives concernant la finance durable, le retard des autres blocs continentaux sur ce sujet font craindre au secteur financier européen un risque d’asymétrie concurrentielle dans un contexte de durcisse[1]ment des exigences européennes.

Faut-il s’attendre avant la fin 2021 à voir plusieurs initiatives converger pour créer normalement un cadre réglementaire mondial de la finance durable ?

Le risque climatique devient une préoccupation majeure de la planète et le G20 s’est emparé du sujet, ainsi que le Groupe de réflexion des banques centrales pour le verdissement du système financier, le Network of central Banks for Greening the Financial System (« NGFSV »). On note également l’initiative internationale de l’IPFS (International Platform for Sustainable Finance), ainsi que des contributions sur la problématique ESG attendues de la part de BCBS, IOSCO et IFRS.

Le G20 devrait publier en fin d’année des exigences en matière de publication d’informations. L’Italie ayant pris la présidence du G20 pendant un an, on aurait pu espérer que les normes européennes soient imposées au niveau mondial pour assurer une publication d’informations sur le verdissement de l’économie et le risque climatique obligatoire, homogène, pertinente, transparente dans le monde entier.

Malheureusement, l’Europe n’a pas obtenu (ou voulu obtenir) la présidence du groupe de travail sur la finance durable qui avait été confiée précédemment aux chinois et américains. Sans faire de procès d’intention, un doute peut légitimement être émis sur la volonté de ces deux puissances d’imposer le même niveau d’exigence qu’en Europe au niveau international entraînant de facto une distorsion de concurrence entre les entreprises européennes et les autres.

Le NGFS pourrait donner une impulsion majeure au verdisse[1]ment du système financier et au verdissement de l’économie en valorisant différemment le collatéral en fonction de l’effort de respect des accords de Paris par les entreprises et les établissements financiers et en limitant les achats de titres émis par des sociétés ne respectant pas ces accords. François Villeroy de Galhau envisage d’utiliser cette fois des indicateurs qui mesureraient l’effort et sa dynamique. Cette fois, le RAV (GAR) pourrait être utilisé de manière relativement directe, ce qui pose le problème et la responsabilité de sa certification si le refinancement en banque centrale en dépend.

Ces initiatives font craindre une multiplication de textes peu cohérents entre eux alourdissant encore un peu plus la mise en conformité des banques européennes.

Le reste du monde est en retard et développe d’ores et déjà des standards qui vont diverger de ceux que l’Union Européenne adopte.

Le risque que l’Europe fasse cavalier seul en matière de régulation de la finance durable est donc très élevé. L’IPFS (International Platform for Sustainable Finance) a pour objectif de faire converger la régulation en comparant et coordonnant les travaux des autorités publiques du monde entier sur la notion de finance durable. Le premier rapport émis en octobre 2020 à l’issue d’une année de réflexion est très intéressant car il met en évidence le « fossé » qui existe potentiellement entre les standards européens et ceux des autres pays :

  • Les efforts de taxonomie se limitent dans des pays comme la Chine ou l’Inde à n’imposer des standards que pour les émissions de titres verts (greens bonds),
  • Dans certains pays comme le Canada, le secteur privé dirige les travaux de taxonomie,
  • La BERD et la BEI ont fait le même constat et souhaiteraient que la plupart des pays alignent leur régulation de la Finance Durable sur celle de l’Europe,
  • Un groupe de travail sur la taxonomie devrait rendre un premier rapport en juillet 2021 étant donné que les positions de départ des différents participants sont très différentes, notamment sur le caractère obligatoire des publications et leur champ d’application (simplement émissions vertes ou non pour l’Europe).

Le CRSF émet donc un certain nombre de recommandations à l’issue de ses premiers travaux :

  • Les normes de publication concernant la finance durable doivent être rendues obligatoires dans la plupart des pays et notamment dans ceux disposant d’une industrie financière importante avant de fixer le calendrier européen de mise en œuvre notamment de la taxonomie et de la réforme de CRR.
  • Il apparaît prématuré de demander au secteur financier européen d’évaluer un risque ESG pouvant servir de base à d’autres objectifs que celui d’informer ; remarque d’autant plus pertinente que ni les données, ni les méthodes ne sont disponibles ou développées ;
  • L’Europe doit poursuivre ses efforts visant à la convergence de la régulation dans le domaine de la Finance Durable ;
  • Compte-tenu du caractère lié et imbriqué des différents textes proposés pour la publication d’informations concernant la durabilité quel que soit le secteur, les régulateurs et ESA’s devraient procéder à une consultation globale sur l’ensemble des textes qui ont été publiés. À ce titre, la révision de NFRD devrait contribuer à la normalisation des indicateurs et données des entreprises et contribuer ainsi à la qualité de la donnée collectée. Le calcul des risques ne saurait se faire sans la contribution des entreprises à la qualité de la donnée.
  • Au vu des expériences malheureuses qu’a connues l’Europe en matière de préservation du savoir-faire de certification et gestion de données pouvant avoir un caractère réglementaire, il apparaît incontournable de prévoir que seuls des acteurs européens pourront assurer ces services dans la perspective d’une mutualisation des efforts.

François Villeroy de Galhau a averti la communauté financière du risque de perdre la seconde manche réglementaire notamment à travers « l’imposition à l’Europe de normes et de données publiées ». Le CRSF souscrit à ce discours et incite vivement les autorités européennes à faire preuve de fermeté et de volontarisme sur tous les sujets ayant trait à la Finance Durable.