Le face-à-face | Nicolas BOUZOU & Benoit RANINI : les nouvelles formes de travail
Comme chaque année, TNP, cabinet de conseil, était présent au sommet des start-up organisé par le magazine Challenges, qui a eu lieu le 25 juin 2020 sur le thème “Les nouvelles formes de travail à l’ère post-covid”.
Benoit Ranini, président & co-fondateur de TNP, Nicolas Bouzou, économiste, ont débattu ensemble sur les modes d’organisation dans les entreprises ainsi que sur l’avenir du travail.
Avec l’arrivée du virus en quelques semaines, les entreprises ont dû du jour au lendemain s’adapter et mettre en place de nouvelles conditions managériales et organisationnelles. Le grand gagnant de cette crise sanitaire ? Le télétravail, en effet, ce nouveau mode de travail a permis de montrer que l’on pouvait faire bien plus que ce que l’on pensait pour un bon nombre de tâches quotidiennes.
SYNTHÈSE DES ÉCHANGES
Benoit RANINI
La France compte environ 30 millions de personnes actives et 3 millions d’entreprises, dont beaucoup sont des petites structures peu ou pas digitalisées. Pendant la crise du Covid-19, 14 % des Français télétravaillaient, avec une part plus importante dans les grandes entreprises.
Personne n’était vraiment préparé à cette crise. Les plans de continuité de l’activité ont été dépassés par les événements. Malgré cela, les entreprises ont continué à fonctionner. Les organisations se sont transformées de façon accélérée grâce aux outils collaboratifs. Le digital et le travail à distance ont rendu les entreprises plus résilientes.
Cependant, nous devons maintenant repenser le modèle opérationnel des entreprises. Celles-ci doivent améliorer leur productivité, repenser le modèle employé-employeur, responsabiliser davantage les équipes et renoncer à la culture du contrôle permanent. Le modèle de management doit prendre en compte le télétravail dans le pilotage de la performance, tout en optimisant l’autonomie des collaborateurs.
L’un des défis du travail à distance est de ne pas perdre les moments d’échanges informels. C’est pourquoi il faut une limite au télétravail, par exemple une à deux journées par semaine. L’espèce humaine n’est pas faite pour travailler seule de façon permanente. L’entreprise est un lieu de communication où l’on trouve des solutions ensemble et où l’énergie assure la performance de toute l’équipe.
Nicolas BOUZOU
Beaucoup d’entreprises étaient réticentes au télétravail avant la crise du Covid-19. Le confinement a permis de démontrer deux choses. D’une part, nous pouvons faire davantage de télétravail qu’on l’imaginait, sans pour autant mettre tous les salariés 5 jours par semaine dans ce schéma. D’autre part, nous pouvons utiliser le télétravail pour de nombreuses tâches et de nombreux métiers.
Le télétravail est un impitoyable révélateur des tâches inutiles et des pertes de temps. Mais les activités ne sont pas toutes égales par rapport aux nouvelles formes de travail. Nous devons mettre à plat la nature des activités, distinguer celles qui sont éligibles au télétravail et celles qui nécessitent d’être en contact physique.
Les bureaux physiques demeurent indispensables pour la collaboration et l’intelligence collective. Ils sont nécessaires pour la création informelle, les liens sociaux, l’ambition, les conflits. Le télétravail est bon pour la concentration et l’efficacité tandis que le travail au bureau est bon pour le relationnel… et la détente.
Toutefois, il existe un risque de perte du statut de salarié et de transformation des télétravailleurs en auto-entrepreneurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles il ne faut pas de télétravail à plein temps.
Benoit RANINI
La crise du Covid-19 annonce l’explosion des nouvelles technologies et l’accélération de la quête de sens dans l’entreprise, avec l’envie d’être éco-responsable. D’un côté, le travail à distance, facilité par les nouvelles technologies, représente un moyen d’améliorer la productivité dont la France a besoin et de réaliser des économies substantielles.
De l’autre côté, l’essor du digital consomme beaucoup d’énergie et a un impact carbone très important. Nous sommes face à un dilemme entre l’utilisation de la technologie pour améliorer l’efficacité collective et la digitalisation du monde sans générer davantage de pollution. Le défi technologique est gigantesque.
Nicolas BOUZOU
L’élévation de la productivité est liée à la fois à l’organisation et au management des entreprises. L’économiste Joseph Schumpeter constatait déjà que les rigidités des organisations ralentissaient les effets positifs de la « destruction créatrice » et allongeaient les délais entre l’innovation et les gains de productivité.
Le défi de la productivité passe par l’adaptation du management aux technologies du digital, de la robotique, de l’intelligence artificielle… Le confinement a provoqué du désordre dans les entreprises, qui n’étaient pas suffisamment adaptées aux nouvelles technologies. Elles doivent maintenant tirer les leçons de cette désorganisation : combien de jours par semaine faut-il laisser les salariés en télétravail ? Comment mieux les équiper chez eux ? Comment élever le niveau des managers ? Comment transformer les bureaux en lieux de socialisation professionnelle ?
Crédit photo : Challenges