Le train à hydrogène : train du futur, ou train du présent ?

10 décembre 2020

Le train à hydrogène dans le ferroviaire est assez récent, sa première circulation commerciale datant de septembre 2018 avec l’Allemagne. Cependant, les perspectives de l’hydrogène dans le secteur ferroviaire se précisent en cette fin d’année 2020. En effet, la liste d’entreprises ferroviaires misant sur l’hydrogène s’allonge de jour en jour. En novembre dernier, c’était au tour de l’Italie, de l’Espagne et des Etats-Unis d’annoncer le début du déploiement des trains à hydrogène au sein de leur flotte.

TNP vous propose une rétrospective de ce train qui bouscule les entreprises ferroviaires.

LES PREMIÈRES RECHERCHES REMONTENT À 2005

Les premiers colloques sur les travaux autour de l’« Hydrail », ou « train à hydrogène », ont débuté dans les années 2005 à l’initiative d’universitaires américains dans un contexte où les recherches portaient à la fois sur la préservation de l’environnement et sur les alternatives énergiques moins polluantes. Dans les années 2010, les entreprises et les industriels du monde entier se sont joints à ces réflexions et ont commencé à tester aussi bien la pile à hydrogène que les équipements de production d’hydrogène.

UN GAZ PRÉSENT EN ABONDANCE DANS LE SOLEIL MAIS QUASIMENT ABSENT DANS NOTRE ATMOSPHÈRE

L’hydrogène gazeux est quasiment absent de notre atmosphère. Deux modes de production de l’hydrogène s’offrent aux industriels : soit par extraction de combustibles fossiles (principalement du gaz naturel), appelée « vaporeformage », et qui s’accompagne d’une importante émission de CO2 ; soit par électrolyse, c’est-à-dire par décomposition de l’eau (H2O), en dioxygène (O2) et dihydrogène (H2) grâce à un courant électrique.

Dans le premier cas, l’hydrogène est dit « gris », ou bien « bleu » si le CO2 émis lors de la production est réutilisé comme matière première. Dans le second cas, l’hydrogène produit par électrolyse est dit « jaune » si le courant électrique est issu de la production nucléaire, ou « vert » si l’électricité utilisée est exclusivement d’origine renouvelable. Aujourd’hui, l’hydrogène dit « gris » représente 95 % de la production totale d’hydrogène.

LE TRAIN À HYDROGÈNE NON HYBRIDE N’ÉMET AUCUN CO2

L’utilisation de l’hydrogène dans le transport ferroviaire s’est traduite dans un premier temps au début des années 2010 par la mise en œuvre d’une technologie dite « hybride ». Les moteurs diesel sont alors couplés par des batteries qui se rechargent au moment du freinage, permettant ainsi de réduire l’apport en hydrogène nécessaire à la production d’énergie.

Depuis 2016, Alstom commercialise un train où seul l’hydrogène est utilisé comme source d’alimentation. Il s’agit du « Coradia iLint » et reste aujourd’hui le seul à être proposé sur le marché. Son intérêt est considérable : la combustion du dihydrogène est totalement décarbonée, ce qui en fait une alternative aux énergies fossiles, fortement émettrices de CO2.

LES ENTREPRISES FERROVIAIRES EN PHASE DE TESTS, SAUF L’ALLEMAGNE

L’Allemagne, et plus précisément la région de la Hesse (Francfort) est la bonne élève. En 2019, le réseau de transport régional allemand RMV s’est offert 27 trains à hydrogène de type Coradia iLint pour 360 millions d’euros (soit 13,3 M€ par rame). La Deutsche Bahn, l’entreprise ferroviaire historique d’Allemagne, a quant à elle annoncé fin novembre 2020 un partenariat avec le constructeur allemand Siemens Mobility afin de remplacer ses trains régionaux diesel. Ce partenariat annonce alors la fin du monopole du Coradia iLint.

L’Autriche de son côté se dotera pour 2022 de 14 Coradia iLint, 6 pour la région de Milan d’ici 2024. Les Pays-Bas ont quant à eux confirmé en novembre 2020 une série d’essais de la rame d’Alstom qui se conclura sans doute par une commande.

Du côté de l’outre-manche, trois projets sont en phase de tests : HydroFLEX qui sera bi-mode (mi-hydrogène, mi-électrique) et commercialisé en 2023, Breeze qui convertira un modèle d’Alstom existant en train à hydrogène pour 2024, et un projet mené par la société britannique Vivarail pour la conversion d’anciennes rames de métro londonien pour une commercialisation sur le réseau du Pays de Galles en 2022.

La liste est longue et ne s’arrête pas aux frontières européennes : la Corée du Sud développe avec le constructeur ferroviaire Hyundai Rotem son « Coradia iLint version tramway », tandis que la Russie développe son tramway hybride. L’entreprise ferroviaire nipponne JR East testera en 2022 son premier train hybride.

LA FRANCE COMMENCE À AVANCER À L’HYDROGÈNE

« Le projet des trains à hydrogène a pris […] un an de retard ». C’est ce qu’annonçait en septembre dernier Henri Poupart-Lafarge, PDG d’Alstom, apprenant que la SNCF ne passerait pas de commande de Coradia iLint.

Ce n’est pourtant pas si gris pour le transporteur français. Les régions Centre-Val-de-Loire, Grand Est, Nouvelle Aquitaine et Occitanie ont investi 16,6 millions d’euros pour expérimenter l’hybride. En septembre dernier, SNCF se félicitait de la validation des tests du premier rétrofit des Régiolis historiques. En remplaçant deux des quatre moteurs diesel d’une rame par une pile à combustible, SNCF espère réduire de 20 % l’émission des gaz à effet de serre des TER. L’opérateur historique français expérimentera en conditions réelles la rame hybride en 2021 pour un objectif commercial en 2023. L’enjeu est de taille puisqu’environ 1150 trains (soit 50 % de la flotte TER) tournent encore au diesel.

UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET UN VÉRITABLE DÉFI POUR LES ENTREPRISES FERROVIAIRES

La mise en service de rame à hydrogène au sein du réseau implique de faire évoluer une partie de l’entreprise.

Tout d’abord sur l’infrastructure, où l’entreprise ferroviaire, aidée de son partenaire de producteur d’hydrogène, sera amenée à installer de manière optimisée des stations à hydrogène.
Les entreprises ferroviaires doivent alors repenser leur logistique pour y intégrer les processus de recharge des stations, ainsi que transformer ceux de la maintenance. Enfin, cette transition engendre une transformation de certains métiers (maintenance, logistique), qui devront être accompagnés pour embarquer cette technologie.

La fin du diesel sera certainement une réalité sur les réseaux ferrés mondiaux. Pour certains pays, comme la France, la transition passera par une phase hybride avec remplacement des moteurs diesels, pour d’autres pays par un remplacement des trains entiers. Cette accélération de la relance verte du ferroviaire est-elle corrélée avec la crise sanitaire et la volonté des états à réduire leur empreinte carbone ? Peut-être. En revanche, l’impact positif des trains à hydrogène sur l’environnement risque d’être faible sur sa globalité si parallèlement les producteurs d’hydrogène n’évoluent pas du « gris » au « vert ».

JOHAN CHEVILLOT
CONSULTANT CONFIRMÉ, TNP
BETTINA PINET
MANAGER, TNP

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