La Tech Bank
Un article de Thierry CARTALAS, Associé, TNP, paru dans le livre blanc « Comment réussir le sursaut de l’Europe ? ».
La banque d’aujourd’hui n’est plus la forteresse du XIXème siècle protégée par de lourdes portes en bronze et en acier. Grâce à la numérisation de nos sociétés, la banque qui prévalait jusqu’aux années 1970 s’est transformée en un gigantesque système d’information.
La transformation numérique des banques s’accompagne d’une révolution des usages. Elle apporte aux clients davantage de confort, de fluidité et d’efficacité. Mais elle génère aussi un nouveau risque systémique pour les établissements. Les systèmes informatiques des banques ne cessent d’évoluer dans une course darwinienne pour l’adaptation face à la pression des coûts, de la concurrence et aux menaces liées à la sécurité.
Comment la banque de demain s’organise-t-elle ? Quel sera son impact humain ? Les agences bancaires perdureront-elles dans leur format actuel ? Quel sera leur rôle ? Sera-t-il encore utile de payer des loyers coûteux pour des agences équipées de robots et de distributeurs de billets ? Quelles sont les plateformes technologiques dans lesquelles les banques devront investir ?
Le changement des comportements
Depuis la crise du Covid et l’arrivée de nouvelles générations technophiles, les habitudes des clients ont été bouleversées. La baisse de fréquentation des agences s’est accélérée. Les clients ont la possibilité d’effectuer la quasi-totalité de leurs opérations bancaires via des portails en ligne, depuis leur ordinateur ou leur téléphone mobile. Les agences comptent de plus en plus d’automates. Les flux fiduciaires ont baissé. La perspective de l’euro numérique se précise. Les conseils sur les produits bancaires peuvent être dispensés en visioconférence par des experts. Progressivement, les clients ne se déplaceront plus en agence pour contracter leurs emprunts.
La plateformisation des banques
La relation client est désormais totalement numérisée via des parcours client de plus en plus performants. La gestion des opérations, les contrôles bancaires et le placement des fonds sont réalisés par des « usines » informatisées. Il existe ainsi plusieurs types de plateformes.
Les plateformes de relation client sont équipées de chatbots et de conseillers augmentés, qui relèguent le poste de travail au rebut. Elles activent automatiquement des plateformes métiers spécialisées dans les produits bancaires, comme la tenue de compte, le crédit, le leasing, la facilité de trésorerie, les paiements, les opérations sur les plans d’épargne et l’assurance-vie…
Ces deux premières catégories de plateformes utilisent des plateformes de données astreintes à des obligations de sûreté strictes et équipées d’IA responsables. Leurs algorithmes peuvent, par exemple, superviser la gestion automatique des découverts des particuliers. Les IA vont rendre l’analyse de la situation bancaire intelligente et faire des recommandations aux clients. Elles seront l’objet d’un contrôle de plus en plus rigoureux du régulateur en termes de données sources, de modèles d’apprentissage, d’éthique…
Enfin, la « cloudification » du traitement des opérations bancaires est de plus en plus importante. Les infrastructures des banques sont progressivement transférées vers le cloud, qu’il soit souverain, privé ou public, limitant le « datacenter » à l’hébergement des données sensibles.
Ainsi, l’organisation des établissements bancaires est en train de muter vers un monde de plateformes et, au même moment, la présence des agences bancaires diminue. Dans un délai relativement court, les opérations et les conseils de niveau 1 seront effectués par des IA tandis que les opérations et les conseils de niveau 2 ou 3 seront réalisés par des experts très pointus.
Le rôle du banquier de demain
À l’avenir, le métier de banquier se concentrera en priorité sur la technologie, le contrôle et le marketing produits. Comme le déclare Severin Cabannes, ancien directeur général délégué de Société Générale, « un banquier qui ne maîtrise pas la technologie, cela n’existera plus ». Le contrôle des chaînes de services bancaires et de la règlementation prendra de plus en plus d’importance. Les compétences marketing seront essentielles pour permettre aux établissements de se différencier. In fine, les banques se distingueront davantage par leurs parcours en ligne que par le contact humain.
Les métiers de la banque de demain seront de plus en plus pointus technologiquement et de plus en plus complexes. Les « back offices » seront progressivement remplacés par l’IA. Les agences s’effaceront. Le poids de la technologie sera alors supérieur à celui de la masse salariale.
Les modalités du métier de banquier – c’est-à-dire prêter de l’argent à des clients – se transforment. Les conseillers bancaires cèdent la place à des automates et à des experts. La banque devient un monde de spécialistes du code, du marketing produits, du contrôle bancaire et réglementaire. Les établissements f inanciers sont obligés de devenir des Tech banks ou sont condamnés à disparaître.
La transformation des banques
TNP investit depuis quinze ans dans la transformation numérique et réglementaire des banques. Ses équipes développent une approche de la transition vers la Tech Bank qui part de la valeur des actifs IT et Data pour prioriser l’effort de refonte et de restauration de l’organisation métier et IT au service des plateformes de la banque du futur.
L’organisation de la banque numérique est davantage transversale. Dorénavant, les plateformes occupent une part plus importante que les « business units », avec des expertises très coûteuses et d’énormes enjeux en termes de sécurité. Le partage des coûts d’infrastructures et de données avec d’autres entités est incontournable pour conserver une structure financière raisonnable. D’où la fusion de certaines plateformes entre établissements concurrents pour réaliser des économies d’échelle, la fusion entre réseaux pour rationaliser les coûts, les logiques de plateformes transverses, la synergie entre les technologies…
Autrefois, le coefficient d’exploitation des banques était piloté par la masse salariale. Aujourd’hui, il est davantage sensible aux investissements technologiques. Cela explique le rapprochement des grandes plateformes d’infrastructures, les plans de réduction de coûts, la vitesse de déploiement des infrastructures dans le cloud, le passage à l’échelle des prototypes d’IA générative.
La construction de la Tech Bank est bel et bien lancée. Elle ne va cesser de s’accélérer.