L’adaptation des modèles d’affaires dans la logistique
Un article de Damien FERRARO, Directeur de TNP Marseille, paru dans le livre blanc « Comment bâtir un avenir durable ? ».
Dans un monde où la conscience environnementale s’accroît et où les défis climatiques se font de plus en plus pressants, l’adaptation des modèles d’affaires dans tous les secteurs économiques est devenue une impérieuse nécessité. La logistique, en tant que pilier essentiel du commerce mondial, n’échappe pas à cette règle. Les entreprises du secteur doivent non seulement répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des règlementations environnementales, mais elles doivent également anticiper les changements à venir pour rester compétitives et durables.
Le rapport 2023 du GIEC établit que 90 % des échanges de marchandises sont assurés au niveau mondial par les 50 000 navires de commerce qui sillonnent le globe. Cette flotte, qui tourne à 80 % au fioul lourd, rejette chaque année près d’un milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Cela représente 3 % des émissions mondiales de carbone.
La mesure comme point de départ d’une prise de conscience
La première étape pour toute entreprise logistique désireuse de s’adapter à la transition environnementale est la mesure de son empreinte carbone.
L’optimisation des itinéraires pour réduire les distances parcourues est un premier levier de réduction des émissions. Avec des start-ups comme SEAROUTES (calcul et optimisation de l’empreinte carbone du fret maritime) et SYROCO dont le logiciel EfficientShip propose un jumeau numérique qui simule le trajet en intégrant les conditions de mer pour réduire la consommation de carburant.
Une autre adaptation en cours est le changement de modes de transport traditionnels vers des alternatives plus durables. Certaines entreprises migrent de l’aérien vers davantage de transport maritime, moins polluant. L’utilisation de barges pour le transport fluvial offre une alternative encore plus respectueuse de l’environnement.
La compensation en attendant les réductions réelles
De nombreuses entreprises logistiques cherchent à compenser leur impact environnemental en investissant dans des projets de conservation des écosystèmes, de reforestation ou de développement des sources d’énergie renouvelable. Ces offres de compensation permettent aux entreprises de s’engager dans la lutte contre le changement climatique tout en contribuant positivement à l’environnement. Chez CMA CGM, 1,5 milliard d’euros sur 5 ans sont investis dans les innovations en faveur de l’efficacité énergétique. Les économies générées sont réinvesties dans les mêmes programmes.
Depuis 2023, les armateurs ont deux obligations de report : l’indice EEXI et l’indicateur CII. L’indice EEXI note le design du bateau à la manière de Crit’Air pour les véhicules. L’indicateur CII évalue le navire en opération. Dans certains ports, les navires ne peuvent plus entrer si leurs notations ne sont pas assez élevées. L’OMI (Organisation maritime internationale) est chargée d’assurer la sécurité et la sûreté des transports maritimes et de prévenir la pollution des mers et de l’atmosphère par les navires. L’OMI est en charge des notations. Les armateurs s’adaptent et cherchent des gains marginaux partout, sur les carburants alternatifs, l’hydrodynamique, l’aérodynamique…
Les changements de mode de transport
Une nouvelle tendance émergente est le retour du transport par voile, alimenté par des innovations technologiques telles que les voiles automatisées et les systèmes de navigation avancés. Ces voiliers modernes utilisent le vent comme principale source de propulsion, réduisant leur dépendance aux combustibles fossiles et contribuant à une logistique plus durable. Parmi ces initiatives véliques, on remarque Zéphyr & Borée, une compagnie maritime qui arme des cargos avec des voiles, spécialisée dans l’armement de navires bas carbone. NEOLINE, qui annonce 80 % de réduction de la consommation de combustible et des émissions associées avec sa propulsion hybride. SOLID SAIL et sa voile rigide de 1000 m2 inspirée des bateaux de la Coupe de l’America. AIRSEAS et son cerf-volant géant de 500 m2 Seawing, qui flotte à 300 mètres au-dessus du niveau de la mer et tracte les cargos avec une réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre et de sa consommation de carburant…
L’accompagnement des efforts environnementaux des clients
Le cycle de vie d’un produit englobe toutes les étapes, de la conception à la fin de vie, et constitue un cadre pour réduire l’impact environnemental global. Le domaine de la logistique doit s’adapter à ces changements. Toutefois, un mode de déplacement plus vertueux peut être plus lent. Ce ralentissement d’approvisionnement a une conséquence directe sur les besoins en fonds de roulement et les stocks. Ces derniers verront leur taille augmenter et l’emprise foncière et énergétique pourra être supérieure. Il en va de même concernant la fin de vie et l’élimination des produits, avec des nouveaux circuits de recyclage, de valorisation et d’élimination plus complexes.
Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à l’impact environnemental du mode de livraison. Les livraisons les plus rapides et les plus lointaines (transport international par avion) sont les plus émettrices de CO2, avec 4 à 6 kg par colis. Pour seulement 1 ou 2 jours de délai de livraison supplémentaire, l’émission tombe à 1 kg par colis. Le contexte de la réindustrialisation avec le plan France 2030, l’enjeu des relocalisations et le « pouvoir de la carte bancaire » que détiennent les consommateurs sont trois leviers indispensables pour promouvoir la transition environnementale dans la logistique et le mix énergétique.
L’adaptation des modèles d’affaires dans un contexte de transition environnementale est essentielle pour assurer la durabilité à long terme du secteur de la logistique. Avec l’innovation et l’engagement en faveur de la durabilité, le secteur est en train de se transformer pour répondre aux défis environnementaux du XXIème siècle.