Mesurer l’empreinte eau, un enjeu crucial pour les entreprises
Un article de Nabih KAZZI, Consultant confirmé chez TNP, paru dans le livre blanc « Comment bâtir un avenir durable ? ».
L’eau est un bien commun essentiel à la vie, à l’intégrité environnementale et aux sociétés humaines. Pourtant, 2,2 Mds de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, 4,2 Mds de personnes vivent sans assainissement adéquat et 50 % des fleuves du monde sont pollués. La limite planétaire concernant la sécheresse ayant été dépassée en 2022, tous les territoires font désormais face à une crise de l’eau généralisée et croissante. La demande en eau douce devrait augmenter de 40 % à l’horizon 2030. Dans le contexte de croissance démographique, de changement climatique et de pollution, la gestion durable de l’eau est un enjeu crucial pour la société humaine.
Le contexte réglementaire de la gestion de l’eau évolue et de nouveaux enjeux apparaissent
La réglementation concernant l’usage et l’impact sur la ressource en eau évolue aussi, notamment par les objectifs de développement durable des Nations Unies, où l’eau soustend l’ensemble des 17 ODDs. Mais également par la directive européenne « Corporate Sustainability Reporting Directive » (CSRD) qui impose transparence et responsabilité envers l’eau et les ressources marines et exige de la part des entreprises, en cas d’étude de matérialité concluante, la divulgation des informations sur leurs dépendances et impacts sur l’eau et les ressources marines, ainsi que sur les risques et opportunités liés, sur 51 points de données.
Selon l’agence européenne pour l’environnement, les ménages comptent pour moins de 10 % de l’usage de l’eau. Ce sont l’agriculture (58,30 %), les fournitures d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné (18,21 %) suivi des mines et carrières ainsi que de l’industrie manufacturière et construction (10,63 %) qui sont les plus grands consommateurs d’eau.
Les entreprises ont donc un rôle important à jouer pour réduire leur impact sur la ressource en eau et contribuer à sa préservation, en termes de quantité et de qualité.
L’empreinte eau, une étape essentielle pour comprendre son impact sur la ressource
La mesure de l’empreinte eau d’une entreprise est essentielle. Cette pratique consiste à évaluer et quantifier l’usage de l’eau tout au long de la chaîne d’approvisionnement et de production d’un produit, permettant ainsi une compréhension précise de son impact sur les ressources hydriques.
L’impact de la consommation d’un produit final ne peut être découvert qu’en retraçant ses origines et sa chaîne d’approvisionnement. L’organisation et les caractéristiques de celle-ci influencent fortement les volumes ainsi que la répartition temporelle et spatiale de la consommation et de la pollution de l’eau pouvant être associés à un produit de consommation final.
Stimulée par le commerce international croissant de produits à forte consommation d’eau, l’eau douce devient une ressource mondiale et l’utilisation des ressources en eau est devenue spatialement déconnectée des consommateurs.
Découvrir le lien entre la consommation et l’utilisation de l’eau permet d’établir de nouvelles stratégies de gouvernance de l’eau, car de nouveaux déclencheurs de changement peuvent être identifiés. Alors que les consommateurs finaux, les détaillants, les industries alimentaires et les commerçants de produits à forte consommation d’eau étaient traditionnellement hors du champ d’action de ceux qui étudiaient ou étaient responsables de la bonne gouvernance de l’eau, ces acteurs entrent maintenant en scène en tant qu’« agents de changement » potentiels. Ils peuvent désormais être abordés non seulement dans leur rôle d’utilisateurs directs d’eau, mais aussi dans leur rôle d’utilisateurs indirects.
Qu’est ce que l’empreinte eau ?
L’empreinte eau est un indicateur de l’utilisation d’eau douce qui tient compte non seulement de l’utilisation directe d’eau, mais également de sont utilisation indirecte.
Elle mesure le volume d’eau nécessaire pour la production d’un produit sur l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, incluant les différents types d’eau et sources utilisés. Ces types d’eau comprennent l’eau bleue (surface et souterraine), l’eau verte (pluie non ruisselante) et l’eau grise (associée à la pollution). Contrairement à la simple mesure du prélèvement d’eau, l’empreinte eau englobe également les pertes et la pollution. Il s’agit d’un indicateur multidimensionnel, montrant les volumes de consommation d’eau par source et les volumes pollués par type de pollution. Toutes les composantes d’une empreinte eau totale sont spécifiées géographiquement et temporellement.
L’empreinte eau offre ainsi une perspective plus juste et plus large sur la façon dont un consommateur ou un producteur se rapporte à l’utilisation des systèmes d’eau douce. C’est une mesure volumétrique de la consommation et de la pollution de l’eau. En revanche, elle ne permet pas de mesurer la gravité de l’impact environnemental local de la consommation et de la pollution de l’eau, qui lui, dépend de la vulnérabilité du système d’eau local et du nombre de consommateurs et de pollueurs d’eau qui utilisent le même système.
Les bilans d’empreinte eau fournissent des informations explicites ainsi qu’une vision holistique de l’utilisation de l’eau. Ils peuvent alimenter la discussion sur l’utilisation et l’allocation durables et équitables de l’eau et constituer également une bonne base pour une évaluation locale des impacts environnementaux, sociaux et économiques.
L’eau est une ressource vitale qu’il faut préserver. Les entreprises, en tant qu’acteurs clés et consommateurs majeurs d’eau, ont un rôle important à jouer. Le calcul de l’empreinte eau constitue la première étape pour que les entreprises puissent évaluer la durabilité environnementale, sociale et économique de leur empreinte. Cet indicateur offre aux entreprises une vision exhaustive de leurs dépendances, de leur impact sur la ressource en eau et les risques associés. L’empreinte eau a vocation à permettre de formuler une stratégie de réponse visant à prioriser les actions sur les maillons les plus pertinents de la chaine de valeur, ainsi que dans les territoires les plus exposés.