Stratégies de sourcing bancaire : « Make, Share or Buy » pour maintenir l’avantage concurrentiel
Un article de Julien BENITAH Associé TNP, Damien COFFINIER, Associé TNP, et Axel ARMAND, Senior manager TNP, paru dans le livre blanc « Comment réussir le sursaut de l’Europe ? ».
Dans un paysage financier dynamique et compétitif, les banques d’investissement font face à des décisions cruciales concernant le développement, l’acquisition, le partage ou l’externalisation de ressources. Ces stratégies de « make, share or buy » sont essentielles pour optimiser les opérations et assurer un avantage concurrentiel, nécessitant que les banques équilibrent soigneusement leurs besoins immédiats avec leurs objectifs stratégiques à long terme.
La stratégie de « Make »
Dans le cadre de leur stratégie « make elsewhere », de nombreuses banques choisissent de délocaliser une partie de leurs fonctions support vers des hubs spécialisés à l’étranger. En s’implantant dans des centres bancaires compétitifs tels que le Portugal, le Maghreb, l’Inde ou l’Europe de l’Est, elles peuvent accéder à des talents spécialisés tout en réduisant leurs coûts opérationnels et en bénéficiant d’une flexibilité accrue. Cette approche permet non seulement de rationaliser les ressources internes, mais aussi de rapprocher certains services tout en conservant des tarifs compétitifs. Le choix des régions de nearshoring et d’offshoring offre ainsi aux banques l’opportunité d’optimiser leurs modèles opérationnels tout en restant agiles dans un environnement en constante évolution.
Les défis de structure et de performance
Bien que cette stratégie présente de nombreux avantages, elle pose plusieurs défis. Les coûts de structure liés à la création de filiales dans ces régions peuvent être significatifs, nécessitant des investissements importants pour s’assurer que les standards de la maison mère sont respectés. De plus, ces filiales font face à des coûts de frottement de productivité dus aux distances géographique et culturelle. La collaboration entre les équipes peut ainsi ralentir les processus décisionnels et réduire l’efficacité de la communication.
L’érosion de la qualité du service et le turnover des talents
Le choix d’implanter des opérations dans des régions attractives comme l’Inde ou l’Europe de l’Est entraîne également un risque de turnover élevé parmi les talents locaux, qui voient croître les opportunités dans leur région. Cette dynamique peut engendrer une baisse de la qualité des services rendus, affectant les délais et la cohérence de l’exécution. Ce phénomène tire également les niveaux de rémunération vers le haut ce qui tend à dégrader dans le temps le business case de départ.
Les risques opérationnels et la relation de service en mode client-fournisseur
Contrairement à une externalisation complète, les filiales restent sous la responsabilité de la banque, maintenant ainsi le risque opérationnel en interne. En outre, la relation entre la maison mère et les filiales fonctionne souvent sur un mode client-fournisseur, avec des engagements de responsabilité stricts qui nécessitent un suivi rigoureux pour garantir que les standards de service sont atteints (mise en place de Control Towers). La réversibilité de cette approche doit également être anticipée : bien qu’il soit possible de transférer les opérations en interne ou vers un autre hub en cas de besoin, cela engendre des coûts supplémentaires et des défis en termes de continuité de service.
Le développement interne en pratique
Des institutions comme Goldman Sachs et JPMorgan Chase se concentrent sur le développement interne pour les technologies essentielles à leurs opérations stratégiques. Ces technologies incluent souvent des systèmes de gestion des risques avancés et des plateformes de trading algorithmique propriétaires, qui non seulement offrent un avantage concurrentiel, mais garantissent également une intégration profonde avec les opérations existantes.
La personnalisation et le contrôle
Le développement interne permet à ces institutions de personnaliser les solutions en fonction de leurs besoins spécifiques et de maintenir un contrôle strict sur leur infrastructure technologique. Cette approche favorise l’innovation au sein de la banque et garantit que les nouvelles technologies sont parfaitement alignées avec les objectifs stratégiques de la banque.
Les coûts élevés et le rythme de l’innovation
Cependant, cette stratégie nécessite des investissements substantiels en recherche et développement, ainsi que des mises à jour continues pour suivre les avancées technologiques. Il existe également le risque inhérent que les technologies développées en interne ne suivent pas le rythme des innovations du marché, ce qui pourrait les rendre obsolètes.
La stratégie de « Share »
Des banques majeures comme Barclays et HSBC participent à des consortiums tels que R3 CEV, collaborant pour développer des solutions basées sur la blockchain destinées à révolutionner les services financiers. Ces partenariats permettent de partager les risques et les coûts associés aux nouvelles technologies.
L’efficacité des coûts et l’innovation accrue
En partageant les responsabilités de développement, les banques peuvent réduire les coûts d’investissement individuels et accéder à une expertise technologique plus large, accélérant ainsi le rythme de l’innovation.
La réduction du contrôle et les risques de dépendance
Partager des projets avec d’autres organisations signifie que chaque banque peut avoir moins de contrôle sur la direction et les résultats de ces projets. De plus, la dépendance à l’égard de partenaires externes peut introduire des risques liés à la cohérence et à la continuité du service, ce qui pourrait affecter les délais et la qualité des projets.
La stratégie de « Buy »
Partager des projets avec d’autres organisations signifie que chaque banque peut avoir moins de contrôle sur la direction et les résultats de ces projets. De plus, la dépendance à l’égard de partenaires externes peut introduire des risques liés à la cohérence et à la continuité du service, ce qui pourrait affecter les délais et la qualité des projets.
L’accès immédiat et l’efficacité opérationnelle
Cette approche offre un accès immédiat à une technologie et une expertise de pointe sans la période de gestation du développement interne. L’externalisation des fonctions non essentielles permet à ces banques de rationaliser considérablement les opérations, réduisant ainsi les coûts de structure et améliorant l’efficacité opérationnelle.
Les problèmes d’intégration et le contrôle de qualité
Néanmoins, l’intégration de nouvelles technologies ou services dans des cadres existants peut être complexe et coûteuse. Garantir des standards élevés de qualité de service nécessite des mécanismes de surveillance rigoureux. Le contrôle qualité est souvent assuré par des « tours de contrôle » qui assurent un suivi continu et garantissent que les partenaires externalisés respectent les normes de performance convenues.
Les nouveaux services financiers
À mesure que les banques d’investissement prennent des décisions critiques concernant le développement, l’acquisition, le partage ou l’externalisation de ressources, la maturité croissante du marché des services financiers influence de manière significative leurs stratégies. Ce marché a évolué vers une offre de catalogues de services plus standardisés et des modèles de tarification professionnalisés, facilitant l’intégration et la gestion de nouveaux services par les banques de manière plus efficace. La maturité du marché a conduit les prestataires de services à proposer des options plus standardisées et cohérentes, répondant à un segment plus large de l’industrie bancaire. Cette standardisation simplifie l’intégration et réduit les complexités et les coûts traditionnellement associés aux solutions sur mesure.
De plus, les prestataires de services ont amélioré leurs modèles de tarification, passant de solutions standardisées à des modèles plus dynamiques, basés sur l’utilisation, qui reflètent mieux la valeur fournie aux clients. Ce changement non seulement aligne mieux les coûts avec les avantages, mais soutient également des opérations plus flexibles et évolutives. Cependant, cette tendance vers la standardisation et la professionnalisation oblige parfois les banques à sacrifier la personnalisation pour adopter des solutions standardisées alignées sur les meilleures pratiques de l’industrie. Ce changement est crucial pour les banques souhaitant rester compétitives et efficaces dans un marché en mutation rapide.
L’adoption stratégique des approches « make, share or buy » doit s’aligner sur les objectifs à long terme de la banque, tout en prenant en compte la tendance vers des services financiers plus standardisés et professionnalisés. Ces stratégies doivent répondre aux besoins immédiats et futurs, en anticipant les évolutions d’un paysage industriel en pleine transformation. En adoptant un mélange équilibré de développement interne, d’innovation collaborative et d’externalisation stratégique, les banques d’investissement peuvent naviguer efficacement dans les complexités du milieu financier moderne. Cette approche garantit agilité, conformité et avantage concurrentiel durable, essentiels pour maintenir un leadership sur le marché dans un secteur financier en pleine mutation.