Les mesures post-Covid pour faciliter la relance de l’économie
Un article de Christian Magalhaes, directeur, TNP Fabrice Roche, directeur, TNP, paru dans le livre blanc « Comment relancer une économie durable ? »
Nombre de banquiers considèrent qu’il n’existe pas de « mur de la dette » susceptible de mettre en danger les entreprises lors de la sortie de crise. En effet, le gouvernement a déployé une palette de dispositifs ayant permis aux entreprises de surmonter la crise du Covid-19 : fonds de solidarité, chômage partiel, avances remboursables, moratoires sur les charges, prêts exceptionnels…
Mais d’autres acteurs estiment au contraire que beaucoup d’entreprises se rapprochent du « mur de la dette », en particulier celles qui étaient déjà fragilisées avant d’entrer dans la crise. Ainsi, le Comité européen des risques systémiques, qui dépend de la BCE, craint une vague de défaillances importante. Et la Banque de France a confirmé que la dette des entreprises était en hausse et atteignait 1.900 milliards d’euros fin 2020.
L’État et les banques se sont fortement mobilisés pour faciliter la sortie de crise et relancer l’économie. Les mesures post-Covid ont pour objectif de préserver la capacité de financement des entreprises, tout en veillant à celles qui survivent de manière artificielle. En voici quelques illustrations.
Les prêts garantis par l’État
La pandémie a fait craindre une forte progression des impayés parmi les entreprises. Cependant, le succès du prêt garanti par l’État (PGE) a limité l’explosion des créances douteuses (NPL ou « Non Performing Loans ») et a protégé la trésorerie des entreprises. Fin avril 2021, 138 milliards d’euros de PGE avaient été octroyés à plus de 660.000 entreprises.
Au fil des mois, le PGE a été aménagé pour donner davantage de souplesse aux emprunteurs. Outre un étalement du remboursement allant jusqu’à six ans, il est possible d’attendre deux ans avant de commencer à amortir le PGE, qui est couvert à 90% par l’État.
Les prêts participatifs
L’État a décidé de mettre en place le prêt participatif Relance (PPR) pour soutenir les fonds propres des entreprises. D’une durée de huit ans, avec un différé de remboursement de quatre ans, le prêt participatif permet de renforcer le bilan des petites et moyennes entreprises.
Ainsi, l’État souhaite injecter 20 milliards d’euros en qua[1]si-fonds propres au profit de 10 à 20.000 entreprises pour les aider à investir. Les investisseurs dans ces fonds bénéficient d’une garantie d’État couvrant les pertes à hauteur de 30% et peuvent compter sur un rendement autour de 2%.
L’action des banques
Les établissements financiers, auxquels il a été reproché d’être le problème lors de la crise de 2008, font désormais partie de la solution. Ils ont contribué à éviter la dislocation de l’économie durant le confinement. Ils sont devenus l’instrument privilégié des politiques de soutien aux entreprises. Et la relance de l’économie dépend de la reprise du crédit. Les banques s’adaptent pour répondre aux conséquences de la crise et permettre à leurs clients d’éviter le « mur de la dette ».
En période de crise encore plus qu’en période normale, les banques octroient des crédits en tenant compte de la solvabilité de leurs clients. Or, l’une de leurs difficultés est de distinguer les entreprises qui sont confrontées à des problèmes structurels, le plus souvent de solvabilité, et celles qui font face à des difficultés conjoncturelles, généralement de liquidité.
L’anticipation des défauts de paiement
Le 29 mai 2020, l’EBA (European Banking Authority) a diffusé auprès des banques, les lignes directrices d’une bonne gestion du risque de crédit lors de l’octroi et du suivi des prêts tout au long du cycle de vie. Une attention particulière de ces lignes directrices porte sur la capacité à détecter les signaux faibles.
Les banques sont invitées à renforcer leur dispositif de surveillance des risques et de détection des signaux faibles de leurs clients. L’objectif est d’abord de permettre aux établissements financiers d’identifier le plus en amont possible, via la collecte d’informations, une éventuelle dégradation des entreprises. Puis, les banques doivent être en mesure d’exploiter rapidement ces informations, via leurs chargés d’affaires en relation avec les entreprises (1ère ligne de défense) et via le département des risques (2ème ligne de défense).
L’utilisation de l’intelligence artificielle, de la data science et du big data sont des leviers pour identifier de nouvelles sources de signaux faibles, collecter et exploiter plus rapidement les données pertinentes pour détecter des signes de dégradation du risque de crédit. L’identification de signaux faibles peut passer par l’acquisition de données publiques ou semi-publiques (employés, vie dans l’entreprise, actualités…). Par exemple, il peut exister un lien de causalité entre la variation de l’effectif d’une entreprise et la dégradation de son risque de crédit.
Ainsi, les banques sont davantage pro-actives pour déployer rapidement des solutions afin d’éviter au maximum le passage en défaut (renégociation commerciale…) et de limiter les provisions et les pertes (déclenchement du processus de contentieux et de recouvrement, cession des NPL, mise en jeu des garanties…).
Au final, les actions de l’État et des banques affichent leur complémentarité au service de la relance de l’activité. L’État a mis en place des dispositifs pour soutenir les entreprises. Et les banques sont présentes pour déployer rapidement des solutions permettant d’éviter que certaines entreprises ne basculent en NPL.