Les ressorts du marché chinois
Un article de Bernard Loire, directeur commercial monde, Maserati, paru dans le livre blanc « Les défis de la transformation de l’industrie du luxe »
La Chine regroupe 1,4 milliard d’habitants. Elle est la première puissance industrielle mondiale en termes de volumes depuis 2015. Et elle devrait prochainement dépasser les Etats-Unis en termes de parité de pouvoir d’achat. La Chine a une revanche à prendre.
La population est constituée d’environ 500 millions d’habitants à l’ouest de la Chine et d’environ 900 millions à l’est. Plusieurs millions de personnes migrent chaque année de l’ouest vers l’est. Les habitants de l’est sont souvent employés dans des entreprises ou des usines et disposent d’un niveau de vie en forte progression. En cinq ans, entre 2013 et 2018, les salaires des habitants de l’est de la Chine ont doublé.
La Chine utilise ses nouvelles routes de la soie pour développer la sous-traitance de sa production, par exemple au Bangladesh ou en Afghanistan, et pour contre balancer la hausse des coûts de sa main d’œuvre. Ainsi, 67% des vêtements fabriqués dans le monde proviendraient officiellement de Chine grâce à la mise en place d’un dispositif de sous-traitance avec d’autres pays.
Depuis 1986, le marché chinois du luxe a progressé de 10% par an. Une telle croissance pendant trente-cinq années d’affilée est impressionnante. Elle signifie un doublement du marché du luxe tous les 6 ans.
Les consommateurs chinois
Parmi les 900 millions d’habitants de l’est de la Chine, environ 320 millions disposent d’un niveau de vie élevé et sont soit des consommateurs actifs de luxe ou des consommateurs potentiels. L’accélération des salaires leur permet de consommer davantage de luxe. Les Chinois ne disposent d’aucune des libertés fondamentales, en particulier la liberté de mouvement ou la liberté religieuse. La majorité des Chinois les plus riches est jeune, en dessous de 40 ans. Elle est internationale. Environ 80000 jeunes chinois rentrent chaque année dans leur pays après avoir fait leurs études à l’étranger. Ils sont éduqués au luxe car ils ont voyagé et étudié en Occident. Ces jeunes consommateurs aspirent à l’achat de produits étrangers de grande qualité, tout en acceptant les contraintes de leur pays.
Les consommateurs chinois ont un désir très fort de reconnaissance. Ils ont l’impression que consommer du luxe leur permet d’appartenir à la classe mondiale huppée, tout en étant respectueux de leur pays. Ils sont attachés aux produits de luxe fabriqués en Europe et sont prêts à payer plus cher pour acquérir ce type de biens.
Ils valorisent le travail des artisans et le savoir-faire exceptionnel de pays comme la France ou l’Italie. La majorité des consommateurs chinois de luxe se spécialise dans moins de cinq marques auxquelles ils sont fidèles.
La distribution du luxe en Chine
En Chine, le canal privilégié d’accès au luxe passe par les outils mobiles, en particulier le smartphone. Les consommateurs chinois sont friands d’interactivité et d’immédiateté. Les parcours clients reposent sur l’omnicanalité.
Des marques comme Dior ou Vuitton ont chacun une cinquantaine de magasins en Chine. A contrario, Chanel ne dispose que de 8 magasins en Chine mais a développé une stratégie très forte sur les médias sociaux, qui en fait la deuxième marque préférée des Chinois.
Les consommateurs chinois achètent des produits français ou italien dont la taille, la couleur et le style doivent être adaptés aux caractéristiques du marché chinois, sans pour autant apparaître comme des produits chinois. Compte tenu de ce subtil équilibre, il apparaît pertinent pour les marques européennes d’avoir de petites équipes de marketing ou de style localisées en Chine.
L’offre de luxe chinoise
L’offre chinoise de produits de luxe est une réalité. L’artisanat chinois a été éliminé par Mao Tsé-tung, puis recréé par Deng Xiaoping. Certaines marques chinoises de joaillerie ont intégré la production et ont la volonté de devenir internationales. Par exemple, Chow Tai Fook est le premier groupe mondial de bijouterie-joaillerie devant Cartier et compte 2200 points de vente répartis dans 350 villes chinoises. Les marques de luxe chinoises réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 15 milliards de dollars. Des marques de mode comme Esprit, Ports 1961, Stella Luna shoes, Giada… se revendiquent chinoises et se veulent internationales. Elles vont probablement se développer dans le monde entier au cours des prochaines années.
Les défis du luxe
Le grand défi du luxe est la rapidité d’achat des produits, qui se développe de plus en plus via des plateformes géantes comme Amazon ou Alibaba. Les marketplaces dédiées au luxe progressent rapidement. Et certaines grandes marques créent leur propre plateforme, même si le trafic y est moindre que celui des géants de la distribution. L’un des enjeux du secteur du luxe concerne le contrôle de la distribution et le bénéficiaire de la marge. In fine, la marge sera-t-elle captée par la plateforme ou par la marque ?