Prélèvement à la source : le casse-tête des assureurs
Le 20 décembre 2016, le Parlement adoptait le projet du budget 2017 instaurant le prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2018. L’opportunité de cette réforme étant remise en question par la nouvelle majorité, un audit était alors demandé afin de s’assurer des bonnes conditions de sa mise en œuvre. Quelques mois et quelques allégements plus tard, la réforme était maintenue pour cette fois-ci une entrée en vigueur au 1er janvier 2019.
Concrètement, cette réforme vise à ce que l’impôt soit payé au moment où le revenu est perçu, qu’il s’agisse de traitements et de salaires, de pensions, de revenus de remplacement, de revenus des indépendants ou de revenus fonciers.
Pour les organismes collecteurs, c’est-à-dire les entités versant ces divers revenus, il s’agit d’appliquer le taux transmis mensuellement par la Direction générale des Finances publiques (DGFIP), retenir le prélèvement à la source sur le revenu net à verser au titre du mois M en appliquant le taux communiqué, et de reverser en M+1 à la DGFiP les prélèvements à la source du mois M.
Si la généralisation à l’ensemble des entreprises de la DSN (Déclaration Sociale Nominative), déclaration dématérialisée directement issue des logiciels de paie, devrait permettre de mettre en place le prélèvement à la source sans évolutions majeures pour les employeurs, il n’en est pas du tout de même pour les organismes assureurs.
En effet, les assureurs versant des revenus de remplacement au titre de la prévoyance ou de l’épargne doivent faire évoluer significativement leurs systèmes d’information pour prélever les montants dus et échanger avec l’administration fiscale les informations relatives aux bénéficiaires des prestations concernées. A cela se rajoutent de nombreux coûts concernant la mise à niveau des données des assureurs selon les standards demandés par la DGFIP, la communication entrante et sortante vis-à-vis de leurs clients, la formation des collaborateurs impactés…
5 RISQUES POUR LES ASSUREURS
En plus de ces transformations à mener, la mise en œuvre de cette réforme expose les assureurs à plusieurs risques :
1// Risque de non-conformité
Au-delà de la capacité à respecter le planning réglementaire, la réforme présente un certain nombre de règles de gestion pouvant s’avérer complexes.
2// Risque financier
En cas de non-conformité ou de niveau de qualité des données jugé insuffisant (le seuil demandé par la DGFIP étant très élevé au regard des pratiques habituelles des assureurs), des sanctions financières pourraient être appliquées.
3// Risque d’image
L’administration fiscale restera au cœur de la relation avec le contribuable. Cependant, les assureurs auront du mal à se soustraire à une forme d’obligation morale vis-à-vis de leurs clients. Ceux-ci se retourneront inévitablement vers les assureurs dans la mesure où ce sont ces derniers qui produiront l’écriture comptable et le prélèvement de l’impôt. A ce titre, ils seront le garant de la bonne application des règles, donc forcément de leur bonne explication.
4// Risque de dégradation de la productivité
Une surcharge d’activité devrait se produire au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, du fait d’une sollicitation des populations bénéficiaires constatant notamment que les montants versés diminuent, mais également en gestion courante, du fait de la gestion de flux supplémentaires et du traitement d’un certain nombre d’anomalies ou de régularisations, etc.
5// Risque business
Le principe de « l’année blanche », anciennement en 2017 et désormais en 2018, devrait entraîner une baisse de la collecte pour les produits d’épargne supplémentaire, tout au moins temporairement, du fait d’un attrait fiscal moindre.
Difficile dans ces conditions de tirer opportunité de ce transfert d’activité de l’Etat vers les assureurs, dans un contexte où l’on peut très largement s’interroger sur le bien-fondé de cette réforme, notamment au regard des montants parfois très faibles en jeu.
Afin de sortir par le haut, cette réforme est l’occasion de poursuivre et d’amplifier les travaux autour de la gouvernance et de la qualité des données, par ailleurs exigés à des fins de connaissance client et de mise en conformité réglementaire (Solvabilité 2, GDPR, LAB-FT…).