Quelles pistes de développement pour l’industrie du luxe ?

02 septembre 2020

Le Comité Colbert regroupe 83 maisons de luxe françaises représentant le fleuron de l’excellence. Parmi elles, neuf marques figurent dans le palmarès des entreprises les plus valorisées : Vuitton, Chanel, Hermès, Cartier, Dior, Saint Laurent, Givenchy, Céline, Van Cleef & Arpels.

L’un des atouts du secteur du luxe est de disposer d’une grande capacité d’innovation et de renouvellement. En effet, il doit constamment s’adapter aux évolutions sociologiques, comportementales et économiques.

Ainsi, l’Asie est devenue le premier marché du luxe dans le monde. En 2003, les Chinois représentaient 10 % du chiffre d’affaires de ce secteur. Aujourd’hui, ils constituent 35 % des ventes. Et les prévisions montrent que cette part sera de 45 % en 2025.

LA DISTRIBUTION DU LUXE

Les marques de luxe ont fait de la distribution de leurs produits un axe stratégique. Les investissements colossaux réalisés dans la rénovation des boutiques de luxe à Shangaï, Paris, Tokyo ou Séoul participent aux efforts de communication, avec un impact mondial. Les marques veulent maîtriser leur image et enchanter les clients avec leurs propres boutiques au détriment des réseaux de revendeurs spécialisés. Et ces rénovations permettent de faire grimper les ventes.

Le développement de l’image du luxe passe par la poursuite des opérations de communication et par l’amélioration constante des boutiques. Ainsi, la Maison Louis Vuitton a inauguré à Séoul, fin 2019, un flagship conçu par le célèbre architecte Frank Gehry. Et Cartier s’apprête à implanter sa Fondation au Louvre des Antiquaires, à Paris.

LIMPACT DU COVID-19

Le secteur du luxe est particulièrement menacé par les conséquences du Covid-19 dans la mesure où il est lié au tourisme, aux déplacements internationaux (en France notamment) et aux consommateurs chinois. La fermeture de la plupart des magasins et l’arrêt des flux touristiques ont provoqué une chute du trafic partout dans le monde. La crise devrait entrainer une baisse d’environ 40 % des revenus du luxe en 2020.

Dès l’apparition de la pandémie, la plupart des entreprises du luxe ont lancé des plans d’adaptation de leurs coûts en réduisant ou en arrêtant la production. Les premières mesures d’économies ont été décidées.

LA REDYNAMISATION DU TRAFIC COMMERCIAL

Les professionnels du secteur considèrent que le futur du shopping sera digital tandis que le futur des marques sera physique. L’une des priorités du secteur du luxe concerne le développement du trafic commercial. Les marques doivent rivaliser d’ingéniosité pour faire revenir les clients dans les magasins afin d’augmenter leur rentabilité, clé pour garantir leur croissance. Elles doivent déployer une politique de gestion de la relation client de plus en plus personnalisée et ciblée.

Pour attirer les clients, les marques ont recours à la création de « pop-up store » ou aux initiatives proposées à l’intérieur des magasins, de l’événement exclusif à l’exposition d’art en passant par le spectacle, l’offre de services supplémentaires, tels la restauration et les salons VIP… Les boutiques se transforment en véritables salons dans lesquels il est possible d’admirer les nouvelles créations et de comprendre leur histoire ; elles deviennent des leviers de communication institutionnelle incontournables.

Dans le temps présent, pour continuer à assister leurs clients, les boutiques doivent proposer des rendez-vous pour respecter les contraintes sanitaires et rassurer.

L’ESSOR DU E-COMMERCE

Avant la crise du Covid-19, les boutiques de luxe étaient déjà impactées par la montée en puissance de l’e-commerce. En 2019, le e-commerce représentait environ 16 % des ventes dans le secteur du luxe. En 2025, il devrait concerner 25 à 30 % des ventes. Pendant la crise, le chiffre d’affaires des boutiques a plongé tandis que les ventes en ligne ont maintenu leur activité et dans certains cas, l’ont renforcée.

Le e-commerce permet d’intensifier les ventes de luxe. Or, beaucoup de grandes marques ont accumulé du retard dans ce domaine. L’offre doit être plus accessible via les canaux numériques. Les marques doivent optimiser leurs sites marchands et développer de nouveaux partenariats avec des plateformes très performantes.

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le secteur du luxe aborde une période de profonds changements, avec une attention particulière apportée au développement durable. Les marques s’engagent de plus en plus en faveur de la RSE et rivalisent d’initiatives : chartes relatives au bien-être animal, traçabilité des matières animales, réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux chaines d’approvisionnement, recherche de la neutralité carbone, création de fonds carbone internes, respects de droits de l’homme et de l’éthique des affaires …

LA REFONTE DES MODÈLES D’AFFAIRE

Les crises sont des accélérateurs du changement. Le secteur du luxe est confronté à de multiples défis, en particulier la résilience du modèle opérationnel, la capacité à développer le e-commerce, l’agilité de la « supply chain », la dépendance vis-à-vis du « old selling »…

D’abord, les marques de luxe doivent inventer de nouveaux « business models ». Elles doivent optimiser les coûts de l’ensemble de leurs opérations et adopter une cohérence d’ensemble en englobant la stratégie, les produits, les volumes, les marges, les réseaux et les plateformes. En parallèle, les marques doivent optimiser les économies d’échelle et améliorer les gains de productivité grâce à l’automatisation et à la baisse des coûts de production.

Ensuite, les marques de luxe doivent développer les gammes de leurs produits en tenant compte de l’évolution du comportement des clients et envisager de proposer :

  • Des produits plus accessibles ;
  • Des produits exclusifs au canal e-commerce ;
  • Des produits de seconde main certifiés par les marques.

Les marques doivent également repenser leur création en imaginant de nouvelles collaborations (artistes, créateurs, clients …) de nouveaux calendriers et événements de lancement aptes à proposer au client des produits du futur avec une composante technologique (Steinway l’a fait ; Cartier et d’autres peuvent le faire !), capables de réinterpréter l’ADN des marques et s’inscrire dans l’univers numérique du moment.

Enfin, les marques de luxe doivent veiller au développement de leurs talents afin de faire perdurer leur patrimoine de savoir-faire technique et culturel. Elles doivent intensifier l’éducation au digital sans obérer l’éducation au luxe. Elles doivent désormais recruter à la fois des compétences luxe, capables d’incarner l’essence des marques /maisons, et des compétences digitales pour animer les communautés métiers et se connecter avec les nouvelles générations de clients.

Hubert Jesel
HUBERT JESEL
DIRECTEUR, TNP
GILLES AUGUSTE
DIRECTEUR ASSOCIÉ, TNP

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