L’année 2020 est et sera, sans conteste, éprouvante et ne ressemblera à aucune autre, notamment pour les gestionnaires d’actifs. La crise que nous traversons nous fait également réfléchir à la solidité des fonds et la confiance que nous pouvons donner à de tels produits d’investissement.
Ces dernières semaines, certaines structures, notamment axées sur l’immobilier britannique, ont du suspendre les rachats de parts émanant de ses clients, provoquant ainsi doute et interrogation.
Ce problème de liquidité a remis sur le devant de la scène les Stress Tests de Liquidité (LST) qui apparaissent, plus que jamais, comme un élément central, au même titre que les mêmes exercices bancaires auxquels les banques se sont conformées au fil des réglementations.
Sur ce modèle, l’ESMA a publié en septembre 2019[1] et l’AMF[2] auparavant un cadre permettant d’orienter leur mise en œuvre
RENFORCER LA GOUVERNANCE ET LES PROCESSUS
Les LST doivent être intégrés dans la politique de gestion des risques de tous les fonds concernés. Leur cadre théorique doit être développé en total indépendance par rapport à la gestion, tout en assurant que les résultats de l’exercice récurrent soient utilisés par les fonctions de gestion.
Les orientations de l’ESMA visent à donner un cadre compréhensible et uniforme, sans pour autant être prescriptif sur les aspects méthodologiques, permettant ainsi d’adapter les LST aux caractéristiques de chaque fond, au type de stratégie de gestion déployée et aux spécificités des marchés cibles.
OPTIMISER LA GESTION DES A!CTIFS MAIS ÉGALEMENT DES PASSIFS !
L’enjeu pour les assets managers est de modéliser à la fois le passif et l’actif : gérer un fonds s’apparente bien à de l’ALM (Asset Liability Management). Ainsi, à la différence des banques contraintes aux exercices de stress tests, les assets managers font face à une mauvaise connaissance structurelle du passif de leur fonds (du fait de l’organisation de la chaîne de règlement/livraison en France).
Les données manquent pour modéliser le passif. Il est nécessaire de redoubler d’efforts pour connaître ses investisseurs et leurs comportements qui varient avec leur nature, leur accès à l’information aboutissant à une distorsion de comportement de rachat entre les investisseurs (un institutionnel assureur ou fonds de pension ne se comportera de la même manière qu’un investisseur particulier).
Tout ce travail d’identification des données pour la modélisation de l’actif et du passif sera au service de la construction des scenarii de stress historiques (bulle internet des années 2000, crise de 2008, Covid-19 en 2020) ou hypothétiques (construit de toute pièces) pour disposer d’indicateurs maximisant la solvabilité du fonds en toutes circonstances.
UN VÉRITABLE LEVIER DE CONFIANCE ET DE CROISSANCE
Au-delà de ces tous aspects techniques importants, les LST constituent un facteur de confiance et un élément différenciant permettant de proposer plus de transparence à ses clients et apparait donc comme un véritable levier dans un contexte où la concurrence est exacerbée par des marchés volatiles et des taux d’intérêts toujours très bas.
Pour renforcer une nouvelle fois la transparence et la protection des épargnants, les régulateurs mais surtout des maisons de gestion pourraient dans le même temps intégrer les résultats de ces stress tests au document KIID pour démontrer la solvabilité du fonds en donnant des notations. Les gérants d’actifs mettant en place ces pratiques seraient considérés à l’avant-garde d’une vraie tendance de fond.
Du côté des régulateurs, on peut envisager à moyen terme une révision du Règlement Européen PRIIPs. A l’instar du SRRI qui jauge de la volatilité, un indicateur « LST » pourrait être un supplément d’information quant à la solvabilité des fonds offrant une information plus complète aux investisseurs.
S’ORGANISER POUR FAIRE FACE AUX DÉFIS FUTURS
Cette crise du Covid-19 n’a fait que révéler de manière patente l’importance et l’urgence d’une mise en œuvre d’une politique de stress tests généralisée à l’ensemble des fonds. Cette approche est cruciale pour mieux piloter la liquidité des fonds, redonner de la confiance et contribuer à plus de transparence et de protection pour les investisseurs.
Dès lors, la pression va être grandissante de la part des régulateurs pour inciter les acteurs du secteur à se mettre en ordre de marche. Cela va nécessiter un accompagnement (méthodologique, organisationnel, scénarios) afin de relever ces nombreux défis pour les assets managers ainsi que les dépositaires.