Comment la supply chain améliore le pilotage du BFR ?
Un article de Laurent JEANEAU, directeur, TNP, paru dans le livre blanc « Les défis de la supply chain »
Depuis un an et demi, la supply chain a été mise en lumière par l’actualité de la COVID-19. D’abord, le besoin mondial d’approvisionnement des masques. Ensuite, la distribution mondiale dans un contexte capacitaire opérationnel fortement réduit par des avions cloués au sol et des navires bloqués à l’entrée du canal de Suez. Aujourd’hui l’agilité et la résilience qui s’imposent aux supply chain de nos clients génèrent un risque dont les effets s’annoncent dévastateurs : le risque financier. Les aides d’État, qui ont maintenu bon nombre d’entreprises à flot, se réduisent et la gestion de la trésorerie devient une des préoccupations principales des CEO dans un contexte encore soutenu par une forte demande client et une pénurie de matières premières conjuguées à un dérèglement des niveaux de services liés aux modes de transport. Il est urgent de mettre en place les outils du Financial Supply Chain Management. Pour cela il faut agir sur la modélisation de la supply chain de l’entreprise, mettre en place des outils d’aides à la décision en simulant les impacts financiers de la supply chain et ainsi réussir à optimiser l’organisation de l’entreprise en sécurisant et en maximisant le pilotage du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) opérationnel supply chain (Cash Conversion Cycle). Voici les priorités des outils à déployer.
La capacité limitée des fournisseurs, liée à une pénurie de leurs matières premières et/ou à la hausse des commandes vient augmenter les coûts. La stratégie de sourcing est un indicateur clé sur le niveau d’endettement ou des encours fournisseurs. Il mesure le niveau de crédit fournisseur de l’entreprise et permet d’identifier le nombre de jours de couverture apporté. Face à une situation exceptionnelle comme celle que nous traversons la capacité de négociation des services achats est fortement affectée et le BFR commence à en montrer les impacts. Les choix pris gardent toujours le même objectif : garantir l’approvisionnement pour alimenter la production et/ou de produits de retail afin de répondre à la demande clients. Mais, face à une forte augmentation des coûts des matières premières, à laquelle se rajoute l’explosion des coûts de transport, la moindre décision a un impact direct sur le coût du produit et le niveau du BFR. Afin de piloter au mieux l’impact financier pour l’entreprise, il est crucial que les directions supply chain soient aidées par des outils de pilotage propres à leurs activités. Si je commande en plus grosse quantité, j’éviterai de subir une hausse trop forte chez mon fournisseur et cela me permettra d’avoir accès à la capacité. Ou bien, au contraire, dois-je commander plus fréquemment pour limiter l’impact des retards d’approvisionnements sur mes stocks ?
Pour répondre à cette question, le Financial Supply Chain Management doit permettre de calculer au moment T l’impact de la décision sur le BFR de chaque fournisseur. Il permet d’anticiper sa gestion financière tout en confirmant le choix opérationnel pris par la direction des opérations ou de l’équipe approvisionnement en s’appuyant sur leur impact financier pour l’entreprise.
Alors ce qui semblait évident hier ne le devient peut-être plus aujourd’hui et le mode prédictif des analyses financières vient aider à la prise de décision des choix stratégiques à prendre.
On mesure, on interprète et on comprend les écarts et leurs impacts avant toute décision à travers des outils de pilotage simples mis à disposition des clients et construits pour eux selon la granularité de leurs besoins. La direction des approvisionnements et des opérations simule en temps réel l’impact de la décision par fournisseur et affine ainsi de façon optimum l’impact des commandes passées.
Concernant la stratégie de production, le FSCM (Financial Supply Chain Management) donne la vision financière claire des coûts fixes et variables et de l’impact des décisions portées sur les choix stratégiques notamment pris à travers le S&OP, l’inventory management, le temps de production des produits et les éventuels encours de production. Il est donc primordial de connaître précisément le coût financier des stocks et encours pour ne pas immobiliser trop de capacité financière tout en faisant attention à ne pas sous produire et risquer d’augmenter le coût unitaire produit et créer de la rupture, ce qui entrainerait des pertes sèches liées à des ventes non réalisées.
Pourtant, une entreprise qui n’aurait pas de stock ne pourrait pas répondre aux variations de la demande de ses clients et ce risque serait tout aussi critique pour l’entreprise.
De plus, le niveau de service client joue également son rôle dans la politique de production et de stock. Si on multiplie cela par le nombre de produits, le niveau de stock usine dans le central warehouse et les schémas de distribution à travers les centres de distributions régionaux, la capacité de la supply chain à avoir une vision précise et impactante financièrement sort du simple suivi sur tableau Excel.
Il faut adapter des outils dédiés pouvant être « scalable s » avec un niveau d’information top down permettant une validation du TOP management et en même temps donner une visibilité aux DAF sur le besoin précis par produits et le coût permettant une meilleure analyse au moment de la vente par la direction commerciale.
Tel un jeu de simulation, les outils développés permettent, en live lors des S&OP et des choix d’inventory management, de visualiser l’impact stratégique.
D’un point de vue client et distribution, le FSCM joue un rôle clé dans la stratégie sectorielle de l’entreprise, les canaux de distribution et l’impact des segments, ainsi que l’analyse des produits de l’entreprise et leur impact sur la rentabilité de celle-ci.
Évidemment, c’est l’outil par excellence pour mesurer le montant des créances clients, des dettes fournisseurs et leur impact sur le BFR de l’entreprise.
Le FSCM permet d’appuyer la prise de décision sur les stratégies de l’entreprise et aide à mettre en place les actions permettant de financer au mieux le BFR.
Le FSCM peut comparer le gain financier que peut avoir une politique de centralisation des stocks sur un seul entrepôt de distribution des marques du groupe (le central warehouse) à travers la réduction du nombre d’entrepôts et l’amélioration du lead time de distribution vers les clients, ce qui peut per[1]mettre une réduction des stocks. Ainsi en plus d’une action achat auprès des prestataires de transport, on peut identifier l’économie supplémentaire que les KPI financiers de la supply chain peuvent apporter à l’entreprise. Le pilotage par client ou même par site du client peut permettre de mieux définir les engagements de niveaux de services ainsi que les modes de transport adaptés.
On connaît tous le fameux « l’aérien ça coûte cher ! », mais mis bout à bout, avec des bons KPI on peut se rendre compte que ça coûte moins cher que du maritime selon les quantités à expédier au client. De même, les perturbations du taux de service et les délais rallongés doivent pouvoir être mesurés financièrement dans l’entreprise au niveau des équipes supply afin d’adapter le choix de service et/ou choisir le bon prestataire pour augmenter la marge en diminuant les coûts indirects. L’ensemble des éléments constituant la supply chain de l’entreprise a un effet sur le BFR opérationnel de celle-ci.
Déployer des outils agiles liés aux actions opérationnelles permettent une meilleure visibilité sur l’impact financier dans l’entreprise et améliorera le DIO. Ces outils viendront compléter le DSO et DPS pour obtenir un meilleur BFR opérationnel.
Les économistes sont tous d’accord sur un point : la période à venir va être critique pour les entreprises, impactant leur BFR. La supply chain jouera un rôle de premier de cordée dans cette reprise qui s’annonce difficile.