La supply chain, clé de voûte de la réindustrialisation
Un article de Adrien Bourbon, consultant senior, TNP, paru dans le livre blanc « Les défis de la supply chain »
Vœu pieu, ou réelle ambition ? La réindustrialisation est engagée mais loin d’être acquise et de nombreux freins subsistent encore. La responsabilité des décideurs économiques et, plus particulièrement, des acteurs de la supply chain privée comme publique est au cœur du débat.
Une demande prudente
Si de plus en plus de consommateurs particuliers font part de leur aspiration à consommer français et s’en donnent les moyens, le pilotage économique des achats en entreprise et les contraintes publiques sont toutes autres. Les choix d’investissement tels que la construction d’une nouvelle usine et/ou le rapatriement des capacités étrangères suppose nécessairement, pour les décideurs, de disposer d’une vision long terme. Or, pour y parvenir, les acheteurs doivent montrer leurs volontés d’acheter durablement des produits français, et leur capacité à accompagner, voir partager les risques avec les industriels dans leurs projets de réindustrialisation. Sans parler de préférence nationale, la prise en compte des facteurs extra-financiers dans les achats doit favoriser la demande locale.
Je t’aime moi non plus
Avant d’être un projet industriel, la construction d’une nouvelle usine est un projet d’infrastructure ayant une empreinte forte sur son environnement d’implantation et, plus particulière[1]ment, sur les riverains. Ces derniers peuvent, en effet, altérer ou, du moins, freiner la mise en œuvre de tels projets et ce pour divers motifs : augmentation du trafic, pollution sonore et visuelle, empreinte écologique… Somme d’intérêts contradictoires entre citoyens et industriels, chaque construction d’un site de production doit permettre la revitalisation du territoire en limitant son impact écologique et ses nuisances. La réponse aux préoccupations des populations directement impactées permettra d’accélérer la réalisation des projets, faire renaître une véritable culture industrielle française et, dans le même temps, d’améliorer l’attractivité du secteur.
Une pénurie de ressource et une attractivité mesurée
Au sortir de la crise du Covid, le secteur de l’industrie n’est pas épargné par le manque de main d’œuvre. Les carnets de commande sont pleins mais les usines sont au ralenti faute de personnel. Fin octobre, 30 000 postes en production ne trouvaient toujours pas preneurs en France. Dans ce contexte, difficile d’imaginer une réindustrialisation massive. Les emplois dans l’industrie ne sont pas pourvus et les nouveaux métiers, nécessaires à la transformation vers une industrie 4.0, supposent des compétences logicielles déjà en tension dans l’ensemble des secteurs. L’optimisation des processus indus[1]triels et l’amélioration des conditions de travail sont des facteurs clés de succès pour rendre attractif le secteur. Beaucoup en zone périurbaine ou rurale, les entreprises industrielles doivent aussi améliorer leur visibilité pour capter les talents de plus en plus tentés de quitter les grandes métropoles
Un fondement industriel à valider sur le long terme
Devant l’engouement des pouvoirs publics et l’émulation autour de la réindustrialisation, les entreprises se hâtent craignant de ne pas profiter d’un marché porteur et des aides financières disponibles. La France n’a pas les avantages comparatifs pour produire tout type de produit. La construction d’une usine doit répondre à une logique industrielle d’ensemble et procurer un avantage compétitif aux entreprises qui choisissent un tel virage stratégique. Tous les secteurs ne doivent pas reproduire en France. Les directions générales et les cabinets de conseil les accompagnant ont une véritable responsabilité à ne pas céder aux premiers signaux. Ils se doivent également d’objectiver la valeur ajoutée qu’un projet de réindustrialisation permettra de créer réellement sur le long terme.
Le cahier des charges de la réindustrialisation
OUI, la réindustrialisation n’a jamais eu autant de sens qu’aujourd’hui et jamais les acteurs publics et privés ont été aussi alignés sur le sujet. NON, toutes les entreprises industrielles ne seront pas concernées et il s’agit de repenser le modèle industriel de la France de demain et d’avoir une approche segmentée ne reproduisant pas les révolutions industrielles du passé.
Les ambitions de réindustrialisation ne pourront être atteintes qu’en recréant une industrie moderne, optimisée, digitale et intégrant les critères ESN dans ses (re)fondations. C’est à ce prix seulement qu’elle répondra à une demande réelle et se reconstruira une image positive et attractive pour lui permettre de s’implanter sereinement tout en attirant les talents qui permettront son exploitation.
Les entreprises pour lesquelles la pertinence industrielle de la relocalisation en France, mais aussi en Europe est validée doivent engager dès aujourd’hui leurs projets et en tireront un avantage comparatif grâce au resserrement de la supply chain : la réduction des coûts de transports est immédiate dans un contexte logistique mondial incertain, et lorsque les coûts directs sont plus élevés, la réduction des aléas, des coûts d’indisponibilité, des délais et les possibilités de faire évoluer le business modèle des entreprises grâce à la supply chain circulaire doivent être pris en compte pour valider l’équation.