Transition énergétique : quels défis post-Covid pour l’industrie ?

12 octobre 2020

L’émotion qui entoure les changements climatiques provoque une forte pression sur les entreprises. Ainsi, les scientifiques estiment que la banquise au Groenland se serait réduite de 450 milliards de mètres cubes en 30 ans. Cela paraît gigantesque mais demeure relatif par rapport au niveau de surélévation de quelques millimètres des océans.

Il ne peut pas y avoir de gouvernance par l’émotion. C’est pourquoi il convient avant tout de mesurer l’empreinte carbone des activités économiques. La lutte pour diminuer les émissions de gaz carbonique passe par des mesures chiffrées. Il est temps de faire de l’environnement un sujet abordé scientifiquement et ouvert à l’innovation.

En outre, nous devons rester humbles par rapport aux enjeux de la transition énergétique et environnementale. Les mesures d’éducation individuelle, de lutte contre le gaspillage, de recyclage, au bureau comme dans les foyers, sont des premières étapes importantes. Nous pouvons également anticiper que l’essor rapide du travail à distance facilitera la diminution des transports et des émissions de gaz carbonique.

L’INNOVATION AU SERVICE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Les activités économiques sont composées de matières premières transformées avec de l’énergie et de l’intelligence humaine. L’énergie est au cœur de l’activité économique. Notre défi collectif consiste à concevoir une prospérité sans croissance des émissions de gaz carbonique. Cela implique de réinventer les produits et les solutions, de travailler sur l’écoconception et le réemploi, de passer à une économie de l’usage.

L’innovation est l’une des clés de la décarbonation des entreprises. Chaque jour, des dizaines d’inventions et d’idées « disruptives » montrent à quel point l’imagination se trouve en grande partie dans les entreprises. Ainsi, le digital permet d’exploiter les gisements d’efficacité énergétique en optimisant la production, le transport, le chauffage…

Sur le plan commercial, les modes de distribution évoluent. L’e-commerce progresse et entraîne des réorganisations. Les industriels doivent proposer davantage de services et faire évoluer leur modèle d’affaire vers la notion d’usage. Par exemple, certains industriels utilisent des puces électroniques pour mesurer et surveiller l’usure des matériels et les besoins en maintenance.

LA FINANCE, FACTEUR CLÉ DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

La finance est un allié de la réduction des émissions de gaz carbonique. Le rôle des investisseurs est en train de changer. Nombre d’entre eux font pression sur les entreprises pour qu’elles se décarbonent, voire refusent d’investir si leur politique environnementale n’est pas conforme à leurs attentes.

Le 31 août 2020, le Dow Jones a connu un mini séisme à la bourse de New York, avec le remplacement du pétrolier ExxonMobil par l’éditeur de logiciels Salesforce. Faute de lancer un plan pour atteindre la neutralité carbone en 2050, ExxonMobil a perdu 30 % de sa capitalisation boursière en six mois, tandis que Salesforce progressait de plus de 50 %. Cependant, nous ne devons pas nous leurrer. Les programmes de décarbonation nécessitent de gigantesques investissements. La bonne nouvelle est que le secteur financier vote massivement pour les entreprises étant à la pointe de la transition énergétique. La valorisation stratosphérique de Tesla est l’exemple le plus frappant.

LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EXEMPLAIRE D’ORSTED

L’histoire de la société danoise Orsted, spécialisée dans l’énergie éolienne en mer, démarre avec la volonté du Danemark de s’affranchir de la dépendance du pays au pétrole en provenance du Moyen-Orient, qui assurait la quasi-totalité de la production d’électricité au début des années 1970.

Jusqu’en 2006, la stratégie d’Orsted était tournée vers les énergies fossiles. A ce moment-là, le débat sur le climat a changé. L’ancien vice-président américain Al Gore a publié son livre « Une vérité qui dérange » et le rapport de l’économiste Nicholas Stern a conclu qu’il serait plus coûteux de ne rien faire que de changer de modèle énergétique.

En 2008, Orsted a décidé de créer un système énergétique entièrement différent, dans lequel la majorité de l’électricité proviendrait des sources d’énergie infinies que sont le vent et le soleil. Orsted s’est fixé comme objectif d’inverser le poids relatif des énergies fossiles et des renouvelables dans sa production, avec seulement 15 % pour les premières et 85 % pour les secondes.

En 2018, Orsted est devenu le leader mondial de l’éolien offshore, avec 30 % du marché mondial, hors Chine. Orsted a été distingué comme l’entreprise la plus durable du monde et l’une des transformations les plus radicales jamais vues. En dix ans, Orsted a effectué un pivot spectaculaire vers les renouvelables.

Le 23 septembre 2019, devant les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à New York sur le thème du réchauffement climatique, le patron d’Orsted, Henrik Poulsen, a raconté la conversion de sa société. Les émissions de gaz carbonique d’Orsted ont baissé de 83 % depuis 2006 et son objectif est d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2025. Orsted affiche une capitalisation boursière de 41,8 milliards d’euros. Le cours de Bourse a presque triplé. Et l’entreprise bénéficie de l’engouement des investisseurs pour les énergies renouvelables.

Matthieu Lebeurre
MATTHIEU LEBEURRE
PARTNER, TNP

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